Tunisie : Pas de nus dans les docs, mais la télé s’en fout !

«Dès qu’il y a "un nichon" dans un film, tout le cinéma tunisien est jugé érotique» déclare un producteur et distributeur de films au sujet de la télé tunisienne. Le cinéma tunisien y est quasi-absent. Et même les documentaires de nos cinéastes sont out des programmes !

«Doc à Tunis» a donné un rythme exceptionnel aux rues du centre ville de Tunis du 01 au 04 avril. Ce festival dédié au documentaire a constitué un véritable marathon cinématographique. Vers les 60 films projetés dans 3 espaces, à voir en 4 jours. Et en toute gratuité ! Entre longs et courts métrages, 19 films documentaires tunisiens ont figuré au programme de «Doc à Tunis». Le public a été au rendez-vous. Alors que le documentaire d’art et d’essai est confronté à un problème crucial, et ce, à l’échelle internationale : survivre et résister au bulldozer commercial de la télé. Mais en Tunisie, le problème ne se pose à notre petite échelle locale.  Nos cinéastes, nos pros du documentaire n’ont pas à s’inquiéter pour leur intégrité artistique. Même si la production des films documentaires monte en puissance, la télé, elle, s’en fout royalement.

La télé et ses vilains petits canards

Actuellement, la montée en puissance de la production des films documentaires en Tunisie est une évidence. Leur qualité a été au rendez-vous, et les critiques et les articles de la presse nationale sont au diapason. Les différentes distinctions attribuées aux films documentaires tunisiens dans les festivals internationaux témoignent de la maturité atteinte par nos documentaristes. Et pourtant…courts, longs ou moyens métrages, pas de place pour le documentaire tunisien dans les grilles de programmation des chaînes télé de chez nous.

Un minimum de 25 minutes quotidiennes est pourtant dédié, dans la grille de programmation de Tunisie 7, au documentaire. Sauf que ce n’est jamais du made in Tunisia. «Ala Abwabi Al Madina», «Les désastres du siècle» ou encore «Kahirou l’khaouf» sont les intitulés de ces séries documentaires souvent britanniques en doublage proche-oriental. Une qualité d’image médiocre, des couleurs fades et surtout à l’abri du moindre souffle de modernité. Ces documentaires «réchauffés» font pâle figure face à la production nationale. Mais, il semblerait que les cinéastes tunisiens soient condamnés à être les vilains petits canards boudés par la télé de chez nous.

Pas de nudité, pourtant marginalisé !

«La télé tunisienne a une vision très rétrograde du cinéma. Elle considère notre cinéma insolent, érotique. Elle est en rupture avec le cinéma national» déclare Habib Bel Hedi, producteur, distributeur de films et exploitants de la salle du CinémAfricArt. Et il poursuit au sujet de la télé nationale : «Sa manière de voir le cinéma est d’ordre moral plutôt que culturel. Dès qu’il y a «un nichon» dans un film, tout le cinéma tunisien est jugé érotique».

Si les films de fiction tunisiens sont mis à l’écart de notre petit écran à cause de leurs scènes de nudité, l’absence du cinéma documentaire dans la télé tunisienne reste inexplicable. Avec cette attitude, l’argument de la nudité ne tient plus. Ce qui mettrait à nus ses partisans, et leur enlève tout alibi : parce que le documentaire ne pêche pas dans les eaux troublantes de l’érotisme.

La sixième édition de «Doc à Tunis» nous a fait découvrir un public avide de production nationale en général et de film documentaire en particulier. Un film est censé pourtant avoir trois vies. La première étant celle de la sortie du film en salles. Et avec la fermeture successive des cinémas en Tunisie, il s’agit plutôt d’un coma assisté. Pour la deuxième vie d’un film, à savoir, sa sortie en DVD, c’est mort avec les milliers de boutiques de gravures CDs actives dans nos villes. Quant à la troisième vie, c’est la télé qui la donne au film. Mais quand elle a délibérément tourné le dos à ses enfants légitimes, nos films se retrouvent orphelins.

Thameur Mekki

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