Tunisie : Les soucis médiatiques des sans-hijab

«Ces F… Respectueuses» se rencontrent à El Teatro du 27 septembre au 12 octobre. Soucieuses de leur image, elles feront des «Zooms entre-elles croisés». Une manifestation dédiée aux écrivaines et artistes laïques du Monde Arabe. Zeyneb Farhat, l’initiatrice de l’événement, en parle sur Tekiano.

«Peut être bien que les photographes du sud qui sont formés dans le nord reviennent porteuses des techniques mais aussi du même regard inconsciemment exotique sur elles-mêmes. Et c’est ça le danger» déclare Zeyneb Farhat. Pour réduire les risques de ce «danger», la directrice de la programmation d’El Teatro organise «Zooms entre-elles croisés». Cet atelier de photographie réunissant sept photographes se tient du 28 septembre au 08 octobre dans le cadre de «Ces F… Respectueuses». Il s’agit d’une manifestation dédiée aux libres penseuses laïques des arts et lettres du Monde Arabe et de la Méditerranée. La manifestation se poursuit avec une exposition des travaux résultant de cet atelier à partir du 08 octobre.

Médias du nord : Que des clichés !

Tekiano a rencontré Zeyneb Farhat, conceptrice de l’événement, pour parler de l’image de la femme de chez nous dans les médias d’ici et d’ailleurs. «D’une façon générale, on est tous plus ou moins sous influence des médias. Ils font un tapage terrible. Et je voudrais bien que quand une créatrice adresse son regard à une femme, elle voit une femme et non pas qu’elle la soumette à un cahier de charge déjà vendu par les médias internationaux» explique Zeyneb Farhat. Et elle poursuit : «Je suis terrifiée par le fait que tout le monde s’intéresse à tout sauf à nous, femmes agissantes portant un projet social basé sur la laïcité. Aujourd’hui dans les télévisions du nord, les femmes de la rive sud de la Méditerranée sont souvent représentées par des femmes voilées. Voiler son corps est le mettre en arrière et le traiter comme un objet».

Médias arabes : «Salafistes et réactionnaires»

Si les médias du nord présentent la femme arabe et sudiste d’une manière stéréotypée, qu’en est-il des mass-médias de l’orient ? Zeyneb Farhat zoome sur les médias les plus regardés du Monde Arabe, ceux d’Orient et plus particulièrement du Golfe Arabe : «Le drame que nous vivions, c’est que notre propre image est complètement contrôlée par des médias qui sont tenus par une ligne idéologique réactionnaire et salafiste». Et la communicatrice chevronnée martèle avec un exemple à l’appui : «Regardez les pubs diffusées par les télévisions des Pays du Golfe. La femme est toujours là pour vanter les mérites de la lessive et de la machine à laver. Et elle est voilée. Aujourd’hui, le voile est devenu quelque chose d’absolument incontournable dans l’image de la femme».

Médias nationaux : Décalage ou rupture?

Dans un paysage médiatique aussi rude pour «les libres penseuses laïques», les médias nationaux ont la responsabilité de jouer un rôle clé. Assument-ils vraiment cette responsabilité? ««Qui n’avance pas recule!» rétorque Zeyneb Farhat. «Nos télévisions n’ont jamais abordé nos soucis. Ils insistent lourdement sur des choses qui ne nous intéressent plus. Et l’amalgame est là. Il faut souligner la différence entre la laïcité et l’athéisme. Etre laïque pour le Tunisien moyen c’est être athée. Si la télé tunisienne ne s’est pas intéressée à ce type de problématique en profondeur, c’est qu’elle cautionne cette bêtise apparente» analyse la directrice d’El Teatro. Et elle alterne : «Il faut mettre au point une stratégie pour que la télé tunisienne suive l’évolution de sa propre société. Il ne faut pas fermer les yeux et dire qu’on est des arabo-musulmans. Et alors? On l’est depuis douze siècles. Depuis, il y a eu tellement de va-et-vient, tellement d’élasticité de l’identité».

Dans une image médiatique aussi brouillée, le temple de l’audiovisuel, à savoir le cinéma, pourrait jouer un rôle décisif. Mais défend-il le statut de la femme laïque? «Non» réagit Zeyneb Farhat. En dehors de «Tsawer», le court-métrage réalisé par Nejib Belkadhi sur un scénario de Souad Ben Slimane, l’initiatrice de la manifestation «Ces F… Respectueuses» ne se retrouvent pas dans les productions cinématographiques tunisiennes. A cet égard, Zeyneb Farhat nous confie : «Je trouve qu’il y a des problématiques femmes qui sont faussées par les maladresses des réalisatrices».

Thameur Mekki

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