Tunisie : James Bond turc contre Rambo d’Amérique

«Wadi edhiab», la série diffusée par Nessma TV a été à l’origine d’une crise diplomatique entre la Turquie et Israël. Et pour une fois, on ose inverser les rôles communément admis dans les blockbusters du cinéma actuel. Un retournement de situation inédit, bien dans l’air du temps ottoman.

Le feuilleton turc Wadi edhiab, («La vallée des Loups» en français) vient de démarrer sur Nessma TV. Et il ne s’agit pas là d’un soap opéra, de la énième série à l’eau de rose façon Nour et Mohannd. Le feuilleton que la chaîne du Grand Maghreb a choisi de diffuser, a même été à l’origine d’une crise diplomatique entre la Turquie et Israël. Un responsable de la diplomatie israélienne a en effet considéré la série comme mettant «en péril des vies juives en Turquie et les relations bilatérales». La série puis le film qui s’en est inspiré n’a pas fini de soulever les plus vives controverses en Occident.

La série baigne dans une ambiance froide digne des thrillers américains. Et comme dans les séries politico-policières à l’américaine, l’action ne manque pas. Les intellos, les cinéphiles accros au cinéma d’auteur passeront leur chemin. Les amateurs du film de genre, et les fans des séries noires trouveront pourtant leur compte de tension et d’hémoglobine. Pour preuve, l’épisode qu’on a pu voir jeudi soir, n’a pas ménagé ses effets en démarrant sur les chapeaux de roues, avec une tentative d’assassinat du chef du gouvernement turc.

Des plans nerveux, des scènes d’action plutôt réussies, servies par un acteur charismatique, et qui, en plus, nous ressemble. Parce qu’on peut même trouver une allure arabe à ce James Bond fort comme un Turc. Exit les blondinets à l’américaine. Des critiques européennes déplorent que cette série «valorise l’action violente et le nationalisme». Comme si Rambo, le symbole des années Reagan était une ode au pacifisme. Comme si on pouvait tourner des films d’action ou d’espionnage, en mettant en scène des jeunes filles en fleur cueillant des coquelicots.

Après le succès de la série, les producteurs turcs en ont tiré, dès 2005, un film au succès populaire phénoménal. Un carton plein en Turquie, évidemment, mais aussi en Allemagne et en Belgique où les communautés turcs sont importantes. La plus chère superproduction de l’histoire du cinéma turc, avec un budget de 10 millions de dollars. Un long-métrage pourtant descendu en flamme par la critique occidentale, et passé sous silence par les médias français. Alors que les codes cinématographiques, les ficelles scénaristiques du film sont largement inspirés des bonnes vieilles recettes hollywoodiennes. Des méchants vraiment très méchants, et des bons sans peur et sans reproche.

Le problème ? Pour une fois, on ose inverser les rôles communément admis dans les blockbusters du cinéma actuel. Les vilains ne sont pas des Arabes, encore moins des Musulmans. Les méchants sont Américains ou Israéliens. Les fanatiques ? Ils sont à trouver du côté des officiers de l’Oncle Sam, prétendument en liaison directe avec Dieu, en une allusion limpide aux délires religieux de George Bush Junior. Un retournement de situation inédit, pourtant bien dans l’air du temps ottoman. Parce que visiblement, le retour fracassant de la Turquie sur la scène du Proche-Orient n’est pas uniquement politique économique, et technologique (voir La Turquie, viagra du monde arabe). Il s’accompagne d’une déferlante audiovisuelle qui trouve dans le monde arabe toujours plus de… spectateurs.

Lotfi Ben Cheikh

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