Tunisie : Karim Gharbi, artiste en quête d’identité

 

Le chanteur tuniso-belge se produit vendredi 30 mars sur la scène du Mad’art à Carthage. Si les chansons sont en français, la mélodie, aux influences variées, reflète une personnalité multiple. De retour en Tunisie pour son concert, Tekiano l’a rencontré.

karim-gharbi-300312Il a le cheveu un peu fou et l’œil fatigué mais il sourit : Karim Gharbi vient de rentrer du Kef où il s’est produit pour les 24h théâtrales. «C’était incroyable j’ai pu voir un nouveau public, qui ne me connaissait pas forcément. Malgré la barrière de la langue, il y a eu un bon contact.»

Karim Garbi fait partie de ces gens à la double nationalité qui ont vécu dans leur pays natal sans vraiment bien connaître leur pays d’origine. Le retour en Tunisie à travers ses concerts s’assimile aussi une quête identitaire. Né à Bruxelles, Karim grandit en allant en Tunisie de temps en temps, en vacances. «J’ai de magnifiques souvenirs d’enfance, les chats de Tunis, les histoires que me racontaient ma grand-mère… Mais c’est vrai que comme beaucoup, je ne me sentais pas légitime car je venais un peu en touriste et le seul contact que j’avais, c’était avec ma famille.».

A 16 ans, il commence à faire de la musique sur le tard. Sept ans de piano classique, conservatoire, spécialité jazz, il poursuit des études qu’il a toujours voulu faire tout en multipliant des petits boulots afin de vivre correctement. Ce n’est que vers l’âge de 30 ans qu’il commence à écrire ses propres textes. La Tunisie, il la retrouve à travers la révolution. Venu fêter ses quatre prix à la biennale de la chanson française à Bruxelles en 2010, il arrive pour un concert à Tunis le 23 décembre 2010. Le 14 janvier, il descend avec tous les Tunisiens manifester dans la rue. «Quand ça a commencé à dégénérer, je me suis réfugié avec mon père et une trentaine de personnes dans une impasse. Le photographe Lucas Dolega est mort à quelques mètres de nous.» Pour lui, la révolution a surtout été «une grande claque», une sorte de contact immédiat avec la réalité tunisienne qu’il ne connaissait pas et une nouvelle «proximité fraternelle». Depuis, il revient en Tunisie pour des concerts et voir sa famille. «La Tunisie aujourd’hui, c’est mon patrimoine, mon héritage et j’espère y puiser beaucoup d’inspiration». L’inspiration, il l’a déjà, artiste compositeur-interprète, son répertoire musical va d’Oum Kalthoum à Beethoven en passant par Dominique A ou Georges Moustaki. Mais un de ses coups de foudre, c’est à 15 ans qu’il l’a eu, lorsqu’il entend le sacre du printemps de Stravinsky avec la chorégraphie de Maurice Béjart.

Accompagné d’un groupe de trois musiciens Eric Bribosia (clavier accordéon), Fred Becker (Saxophone, flûte, clarinette) et Clément Noury (guitare) il chante du Paul Verlaine ou du Arthur Rimbaud tout comme ses propres textes, tels que la chanson Secrets de famille par exemple. La création et la composition lui permettent aujourd’hui de mieux se retrouver. Ne pouvant pas chanter en arabe, il retrouve l’influence orientale via la mélodiecomme le montre le début de la chanson Les boutons dorés. «C’est d’ailleurs plus le son que les mots, qui m’a amené vers la musique. Je suis plutôt d’influence musicale que littéraire»mais il cite au détour d’une phrase le livre Les identités meurtrières de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf comme si la quête identitaire revenait toujours au fil de sa pensée. La chanson est ainsi un champ d’exploration inépuisable.Du registre doux-mélancolique de Xanax for ever, il passe à l’humour noir jazzy avec le Blues de l’œuf dur.

Retour aux sources, la Tunisie qu’il voit comme «son pays» est encore pour lui une terre de découverte, à la fois de lui-même mais aussi d’un public qui l’avait accueilli à bras ouverts en 2010. Un talent à découvrir ou à revoir au Mad’art le vendredi 30 mars.

 

Lilia Blaise

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