Tunisie : Les «intellectuels» montent au créneau

 

Le 2 juin, quelque 67 intellectuels tunisiens ont publié un manifeste sur «L’avenir de la démocratie en Tunisie» dans l’objectif d’alerter l’opinion publique sur «le danger qui guette» la société tunisienne. Le parti Ennahdha et ses alliés gouvernementaux en sont les principaux accusés.

D’emblée, «Le manifeste des intellectuels tunisiens» publié le 2 juin sur le site petitions24.net tunisien emploie un ton grave : « L’horizon d’espérance que la révolution tunisienne a ouvert est en train de s’obscurcir». Les 67 premiers signataires de ce manifeste veulent, en effet, alerter leurs concitoyens sur «le danger qui guette», et qui ne serait pas dû aux «difficultés propres à toute transition démocratique» mais aux «aux violations délibérées des principes mêmes de la démocratie naissante».

Le manifeste pointe du doigt le parti Ennahdha et le gouvernement : «Nous avons espéré que les transformations que ce parti islamiste déclarait avoir accomplies étaient réelles. Beaucoup de Tunisiens ont parié que ce mouvement pouvait être porteur d’une conception démocratique inspirée par l’islam. Or, les discours et les actes démontrent le contraire. Une volonté hégémonique vise à s’emparer de tous les pouvoirs. L’idéologie islamiste avance pour imposer à la société tunisienne son ordre dogmatique».

Les signataires reviennent sur l’annonce du « 6ème Califat » par Hamadi Jebali au lendemain des élections du 23 octobre 2011, où le mouvement conservateur a obtenu une majorité relative «Sa profération n’est pas hasardeuse. Elle est l’expression d’un projet ancien auquel les islamistes n’ont pas renoncé», ont-ils assuré avant d’ajouter «Seul le rejet résolu de la société tunisienne a obligé, chaque fois, Ennahdha à reculer, à temporiser, à différer l’achèvement de son projet».

Selon les signataires, «plusieurs mois d’exercice du pouvoir montrent l’incapacité du gouvernement à restaurer la paix sociale et la sécurité publique, ainsi que son échec à impulser l’investissement national et étranger». Ennahdha n’endosse pas la responsabilité totale. Ses deux alliés gouvernementaux, le Congrès pour la République et Ettakatol, et plus particulièrement les présidents provisoires de la République et de l’Assemblée constituante sont accusés de laxisme. «Leur appartenance au camp des démocrates laissait supposer qu’ils rempliraient une fonction critique assumant la séparation du politique et du religieux, afin de modérer et corriger la volonté hégémonique d’Ennahdha. Or, l’exercice de cette fonction faiblit». Les «intellectuels» n’hésitent pas à poser la question : «Les deux présidents (Président de la République Moncef Marzouki, et Président de l’Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaafar, ndlr) sont-ils encore les alliés vigilants des islamistes ou se sont-ils transformés en supplétifs impuissants ?».

Le manifeste, qui souligne le rôle de la société civile, n’oublie pas de relever l’absence du rôle de l’opposition dans cette phase de transition que traverse la Tunisie «L’émiettement des partis républicains dilapide les espérances de la révolution». concluent-ils.

La pétition, qui a atteint près de 900 signatures au bout de deux jours, a été publiée par 67 intellectuels dont la militante des droits de l’homme, Souhayr Belhassen, le blogueur et ancien secrétaire d’Etat à la Jeunesse et des Sports Slim Amamou, le cyberactiviste Azyz Ammi, le cinéaste Fadhel Jaziri, le metteur en scène Taoufik Jebali, la chanteuse Emel Mathlouthi, l’écrivain Abdelwaheb Meddeb, le poète Mohamed Sghaïr Oueld Ahmed, l’universitaire Hamadi Redissi et bon nombre d’universitaires et d’artistes.

 

S.S

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