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Tunisie : Plongée dans la oja linguistique de la Révolution

La Révolution est venue avec son lot de nouveaux mots. Tout un champ lexical lui est associé. Ce jargon s’est emparé de la sphère publique mais aussi des médias traditionnels après avoir fait un passage obligatoire par son labo : la rue et les réseaux sociaux. Première partie d’une plongée dans cette oja linguistique !

 

La Révolution est venue avec son lot de nouveaux mots. Tout un champ lexical lui est associé. Ce jargon s’est emparé de la sphère publique mais aussi des médias traditionnels après avoir fait un passage obligatoire par son labo : la rue et les réseaux sociaux. Première partie d’une plongée dans cette oja linguistique !

A chacun son lexique, son image de la démocratie. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Le peuple est sorti en masse le 14 janvier 2011, il a crié sa colère, son ras-le bol. Des mots, des slogans, des pancartes, des voix se sont élevés dans la joie, dans la colère, le cœur battant. Viennent plus tard Kasbah 1 puis Kasbah 2. Retour sur une période et sur des mots, dont la charge significative, n’est pas à négliger.

La Révolution Tunisienne, dite du Jasmin, terme à la tonalité carte postale orientaliste, cliché, imposé par les médias français, a certes emballé la planète entière, mais il ne faut pas non plus oublier les quelques milliers de «ben-alistes» désabusés, ex RCD, les laissés-pour-compte de la révolution, le 14 janvier. Chaque bord, ses mots pour exprimer sa révolution. Au-delà des effets de l’anarchie, ou ce que l’on appelle la panarchie*, en l’occurrence la législation de tous, que nous observons aujourd’hui. Des têtes exaltées aux idées parfois fausses, floues, démesurées, inconsistantes et celles des «démocrates modérés» à la terminologie pompeuse, philosophique, ontologique! L’imagination trouve un terrain propice pour s’exprimer. Une foule d’idées, aussi burlesques soient –elles, sont constamment à l’ordre du jour.

Flashback. On est en janvier 2011 : Les murs de Tunis inondés de tags, de graffitis : Game over, echhaab yourid, dégage… on peut voire, on chante même : Ben Ali et collabos, ben Ali ala bara, pas de savoir faire-français pour la dictature de Ben Ali, RCD dégage vive le peuple, ena fhemtkom, thawra, Bouazizi… Les tunisiens se rassemblent dans les rues, les carrefours, les places publiques et scandent des slogans, avec une voix rugissante « Majless taasiss li taghyir el doustour », « El karama », « yaskot el tajamoo tounesna houra liberté démocratie laicité, Touness hora» . A juste titre, la Kasbah, un des lieux symboliques de cette révolution, offre tous les matins quelque chose d’étonnant. On y entend, aux coins des rues, de grandes dénonciations, de grands complots pour enlever le pouvoir législatif, de grands projets de contre-révolution, de grands discours d’indignés tunisiens assoiffés de liberté : les «Dégagistes».

 

 

Haifa Kadhi

*Le panarchisme est une conception prônant la coexistence de tous les systèmes politiques, où chacun s’affilie au gouvernement de son choix.

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