Consommation du tabac en Tunisie, le vrai du faux: thème d’une table ronde organisée par Med.tn

Consommation du tabac en Tunisie, le vrai du faux: thème d’une table ronde organisée par Med.tn

La plateforme Med.tn a organisé une table ronde à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, qui coincide avec le 31 mai de chaque année, en présence du cardiologue Dr. Dhaker Lahidheb et de Dr. Anas Laouini, Psychologue spécialisé en thérapies comportementales.

L’objectif de cette table ronde qui a réuni un parterre de journalistes et qui a été animé par Malek Aouni et de ‘Distinguer le vrai du faux’ en ce qui concerne les alternatives aux cigarettes à l’heure ou la Tunisie connaît une prévalence du tabagisme parmi les plus élevées d’Afrique et de la région Méditerranée orientale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La Tunisie fait face à une situation préoccupante en matière de tabagisme, affichant l’une des prévalences les plus élevées d’Afrique et de la région Méditerranée orientale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 2023, près d’un homme adulte sur deux (49,8 %) était fumeur, un taux quasiment stable depuis 2018. Chez les femmes, la prévalence reste faible (1,9 % en 2023), mais progresse lentement. Plus inquiétant encore, le tabagisme touche de plus en plus les jeunes : 11,9 % des adolescents de 13 à 15 ans et 14 % des 15 à 17 ans consomment régulièrement du tabac, certains débutant dès l’âge de 7 ans.

L’usage de la cigarette électronique explose également chez les mineurs, avec plus de 17 % d’utilisateurs recensés en 2023. La progression du tabagisme est particulièrement marquée chez les jeunes adultes masculins (20-24 ans : 49,9 % en 2023 contre 44 % en 2018 ; 35-39 ans : 58,9 % en 2023 contre 47,5 % en 2018).

Plusieurs facteurs expliquent cette régression de lutte contre le Tabac en Tunisie comme : 

– Manque de campagnes de sensibilisation : la dernière grande campagne remonte à 2009, et les actions actuelles peinent à marquer les esprits.

– Non-application des lois : l’interdiction de fumer dans les cafés, écoles et hôpitaux est largement ignorée, faute de sanctions dissuasives.

– Normalisation sociale du tabac : séries télévisées, réseaux sociaux et absence d’engagement des célébrités contribuent à banaliser le geste, notamment chez les jeunes et les femmes.

Comme le souligne Dr Anas Laouini, psychologue spécialisé en thérapies comportementales : “Il y a un manque de campagnes percutantes et d’alternatives proposées aux fumeurs. Les campagnes sont souvent dans la prohibition et manquent d’empathie.”.

Dr Laouini rappelle aussi l’importance de la prévention dès le plus jeune âge, notamment à l’école, et regrette la disparition des tournées éducatives qui avaient un réel impact dans les années 2000.

Les différents types de dépendance au tabac

Le tabac n’est pas qu’une simple habitude : il s’agit d’une dépendance complexe, multidimensionnelle, mêlant des aspects comportementaux, cognitifs et émotionnels.

–>Dépendance comportementale : liée à des gestes ou des contextes (ex. : fumer après le café). Les thérapies de substitution gestuelle peuvent aider à rompre cette association.
–> Dépendance cognitive : la croyance que l’on ne peut pas se concentrer sans fumer. La restructuration cognitive est alors nécessaire.
–>Dépendance émotionnelle : la cigarette comme moyen de gérer le stress ou les émotions négatives. Les techniques de relaxation et la pratique sportive sont recommandées.

La combinaison des thérapies cognitives et comportementales (TCC) est particulièrement efficace pour obtenir des résultats durables. Selon les spécialistes, 70 % des rechutes sont liées à des déclencheurs sociaux (cafés, fêtes, etc.).

Chez les jeunes, l’imitation joue un rôle majeur : un adolescent sur trois a fumé sa première cigarette par mimétisme. Le marketing ciblé (arômes fruités, bonbons) et la valorisation du tabac comme symbole de maturité accentuent le phénomène, tout comme la banalisation du geste dans l’environnement familial et médiatique.

Dr Laouini insiste à dire : “Le conformisme et les phénomènes psychosociaux accentuent le phénomène, notamment à travers les médias, le cinéma et la vue des parents. Les enfants reproduisent ce qu’ils voient.”

Rompre la chaîne de transmission comportementale et visuelle est donc essentiel, en misant sur l’exemplarité des adultes et des figures publiques.

Alternatives au tabac et stratégies pour inciter au sevrage

Face à l’ampleur du phénomène, l’intégration d’alternatives au tabac dans les stratégies de réduction des risques s’impose. Parmi ces alternatives, le tabac chauffé et la cigarette électronique suscitent un débat.

Selon Dr Dhaker Lahidheb, cardiologue : ” Le tabac chauffé permet de réduire de 90 % les substances toxiques comparé à une cigarette classique. Il peut être utile comme outil de transition pour les fumeurs dépendants incapables d’arrêter ou ne souhaitant pas arrêter.”.

La cigarette électronique est déjà intégrée dans les stratégies de réduction des risques ettabac chauffé de sevrage dans des pays comme le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, où des kits de cessation sont même offerts aux fumeurs adultes. La Suède, grâce au Snus, a réussi à faire baisser la prévalence tabagique nationale à moins de 5 %, devenant le premier pays sans fumée en Europe.

Toutefois, Dr Anas Laouini met en garde :”La vape ne doit pas devenir une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes ou être promue auprès des non-fumeurs ou adolescents. Elle doit rester une option réservée aux fumeurs adultes dans une démarche contrôlée de cessation.”.

Le parcours de sevrage doit être personnalisé, bienveillant et non culpabilisant, combinant accompagnement psychologique, substituts nicotiniques (patchs, gomme, vape, tabac chauffé, snus), groupes de parole et valorisation de chaque tentative, même partielle.

La lutte contre le tabagisme doit être envisagée comme une responsabilité collective, impliquant parents, enseignants, professionnels de santé, médias et décideurs politiques. Elle ne peut se limiter à des campagnes ponctuelles, mais doit s’inscrire dans une stratégie nationale intégrée, structurée autour de la prévention, de l’accompagnement et de l’innovation.

Comme le résume Dr Lahidheb :” L’avenir dépend d’une éducation durable, de politiques courageuses et d’une mobilisation collective”.

En Tunisie, le vrai progrès naîtra d’un changement de regard sur le tabagisme : il s’agit d’un enjeu de santé publique, culturel et générationnel. Briser la chaîne du tabac nécessite une mobilisation de tous, pour protéger les générations futures et bâtir une société sans fumée.

S.B.

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