Karkadan : star en Italie, zappé en Tunisie

Il est parti en Italie avec un visa et 35 dinars en poche. Et voici que le barbu du rap tunisien est produit par Universal et diffusé par la firme de Berlusconi. Le gangsta raconte sa success story et dit ses quatre vérités à Tekiano.

«Je ne peux pas être à la fois rappeur et défenseur des bonnes mœurs» déclare Karkadan, de son vrai nom Sabri Jmal. Evoluant en Italie, ce rappeur tunisien a donné une performance en Tunisie, samedi 12
juin, à l’occasion de la soirée de célébration de Lotfi Abdelli du premier anniversaire de «Made in Tunisia» et de la centième représentation de ce one man show produit par Ya Lil Prod.

Et c’est la première apparition scénique de Karkadan en Tunisie depuis qu’il a signé avec le monstre de l’industrie du disque, Universal et l’empire médiatique de Silvio Berlusconi, Mediaset. Originaire de «Hay Tayaran», du côté de Hay Ezzouhour, dans la banlieue de Tunis, le rhino en colère n’a pas migré à l’aide des harragas. «Je suis parti en Italie alors que je n’avais que mon visa et 35 dinars» nous confie-t-il en alternant : «J’ai galéré pendant trois ans avant le lancement réel de ma carrière. Je ne veux pas parler trop de ça parce qu’après tout, c’est ça la vie. Ça ne sert à rien de s’apitoyer sur les années de souffrance».

Dans la savane des grands

Karkadan nous a aussi raconté sa success-story. «J’ai sorti «Discoteque» en juillet dernier. Une semaine après, Universal m’a contacté» souligne le gangsta-barbu. «Ensuite, Mediaset m’a sollicité pour l’acquisition des droits d’édition et de diffusion de mes produits.

Depuis, ma musique est un projet commun entre Universal et Mediaset. Et voilà que maintenant, je travaille sur un nouvel EP (maxi) intitulé, Neuf Neuf» ajoute-t-il.

«Sarrassin», single extrait du prochain opus du rappeur, est en partage sur la page fan de Karkadan sur Facebook. Le vidéoclip de ce morceau a été tourné en Tunisie entre la médina de Tunis et le Sahara. «Je ne sais pas encore quand est ce que je vais sortir le nouvel EP. Le single est playlisté dans les radios (italiennes) depuis vendredi dernier. Et j’ai appris que ça cartonne. «Discoteque» est restée quatre mois dans les playlists des radios italiennes. Si «Sarrassin» y sera pour autant de temps, je sortirai le nouvel EP vers la rentrée» nous confie le rappeur.

Connu en Tunisie grâce à Facebook

S’il ne passe pas sur les ondes des radios tunisiennes et encore moins sur nos chaînes télés, Karkadan jouit d’une grande visibilité en Italie. Au pays de Da Vinci, il représente carrément un phénomène médiatique à part entière. En Tunisie, ses auditeurs l’ont connu via le net, essentiellement grâce à Facebook. «Ma musique ne passe pas dans les médias tunisiens parce qu’ils sont figés dans un format standard. Si jamais un artiste ne rentre pas dans ce cadre étriqué, il est exclu du paysage médiatique» explique Karkadan.

Et il poursuit: «je ne cherche pas à passer à la télé ou à la radio pour devenir célèbre. Jusque là, j’y passe pas mais nombreux sont ceux qui me connaissent que ce soit ceux qui m’apprécient ou ceux qui me rejettent. Parce que la célébrité ne réside pas dans la radio ou la télé».

Mais les médias ne sont pas les seuls à rejeter Karkadan en Tunisie. Il est également très controversé par une grande partie du public. Les commentaires des Facebookers tunisiens en témoignent. Son jargon obscène, son attitude à la «original fan» l’ont placé sur le banc des accusés de l’opinion publique.

Auditeurs hypocrites ?

Sabri Jemal alias Karkadan réagit : «Il y a ceux qui répètent les paroles obscènes du rap américain devant leurs mères sans prendre conscience de leur signification. Mais quand c’est moi qui le fait, on crie au scandale». Il cite même certains exemples de rappeurs aux paroles trash jouissant d’une grande popularité en Tunisie comme 2Pac, Snoop Dogg ou encore DMX.

Les critiques ironisent aussi sur son nom de scène jugé «bizarre». «Je kiffe trop cet animal. Il est costaud. Sa corne est synonyme d’agressivité. Ses abdos sont très musclés. Il vit dans la merde. Et c’est ça mes origines. Il n’y a que le chien qui renie ses origines. En Italie, nombreux sont ceux qui kiffent mon nom de scène» rétorque Karkadan. Et il martèle avec un exemple : «Il y’a un rappeur qui se fait appeler Pitbull. Y-a-t-il un problème avec ça»?

Mais la polémique autour des paroles obscènes n’est pas propre à la Tunisie. «Il y a, en Italie, aussi des rappeurs confrontés à ça. Même aux Etats-Unis, les attaques se multiplient contre le gangsta rap» dixit Karkadan qui alterne: «D’ailleurs, j’ai deux versions de «Discoteque» : la mienne et celle d’Universal. Quand j’écris un texte en arabe, ils le traduisent en italien. Les gens d’Universal m’ont conseillé de faire une version un peu plus clean pour que ça puisse passer plus souvent à la radio. Et j’y ai introduit quelques petites retouches pour que ça passe».

«Hahahahaha» ainsi répond Karkadan à ses détracteurs. «Je ne veux pas leur accorder de l’importance. Si je m’y mets, je n’en finirai pas. Leur place est au hammam des femmes» ironise-t-il. Pour critiquer Karkadan, il faudrait peut être mettre le doigt sur d’autres aspects de sa musique. Les mentions «explicit lyrics» ou «explicit content» accompagnées par la note «parental advisory» sont faites pour avertir les âmes sensibles. Et laisser les amateurs de musique aussi hardcore soit-elle seuls juges. Sinon… Gare à la charge du Karkadan.

Thameur Mekki

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