Tunisie: Trafic d’organes et kidnapping… virtuels

Rapts d’enfants, trafic d’organes humains, médecins peu scrupuleux. Quand SMS et internet répandent la rumeur comme une traînée de poudre, en Tunisie.

Une rumeur aussi inquiétante qu’angoissante s’est répandue comme une trainée de poudre en Tunisie. « On » évoque des « rapts d’enfants », « on » met en cause un « trafic d’organes humains », menés par des « médecins peu scrupuleux ». Inutile de préciser que cette nouvelle macabre à rapidement tourné à l’obsession pour beaucoup de familles et surtout pour pas mal d’internautes…

Cette nouvelle alimente pratiquement toutes les discussions des Tunisiens. Au café du coin, chez le boucher du quartier, l’épicier… D’ailleurs, celui-ci n’hésitera pas à vous conseiller : « surveillez vos enfants » !


Trafic d’organes et kidnapping… virtuels

Facebook propage la rumeur

Il s’agirait en fait d’un canular. Le bouche à oreille a fonctionné à plein, boosté par la technologie. Sms, et internet via les blogs et les réseaux sociaux ont largement contribué à amplifier son impact. Un petit malin a même cru bon de mettre en ligne une animation qui répète ce message en boucle : « attention à vos enfants ». La blogosphère tunisienne a trouvé du grain à moudre. Twitter a été mis à contribution. Des réseaux sociaux comme Facebook ont rapporté des histoires d’enlèvement dignes des plus grands thrillers hollywoodiens. Parmi les plus répandues : l’enlèvement de cinq enfants par des hommes cagoulés dans un jardin d’enfants situé à la cité olympique, des cadavres de bébés mutilés retrouvés dans un réfrigérateur à Hai Ennasr ou encore une jeune lycéenne qui se serait fait enlevée en plein jour, par des individus qui l’auraient trainée de force, toujours dans une voiture « non identifiée ». Des groupes ont dés lors été créés comme « Tous unis comme le kidnapping » , ou « mobilisation contre le kidnapping de nos enfants » . Les histoires d’enlèvement sont ponctuées d’avis et de conseils à qui mieux mieux.

Manipulation ?

Selon le blog Kiffegrave qui cite « l’histoire d’une découverte morbide faite par un voleur qui se serait trouvé nez à nez avec des morceaux de cadavres humains, » critique la plupart de ces récits. En faisant la remarque que les personnages qui font partie d’une des histoires racontée par différents internautes ne sont jamais les mêmes. Preuve que chacun s’en donne à cœur joie pour alimenter cette rumeur. Une nouvelle légende urbaine, qui n’est pas sans rappeler celle du monstre, le fameux 3efrit apparu lors d’une tempête, à Borj Sidi Ali Erraiess. Alors… y aurait-il manipulation ?


Trafic d’organes et kidnapping… virtuels

Quoiqu’il en soit, ces rumeurs ont été démenties par des quotidiens nationaux dont le journal La Presse qui accuse les sites communautaires, et « les professionnels du mensonge », d’alimenter la rumeur. Ou encore le journal « Le Temps » qui dénonce cette « psychose », et selon ce quotidien « en l’absence d’un démenti émanant d’une source officielle, la rumeur se développe encore plus et s’amplifie ».

A noter qu’une rumeur similaire s’est déclenchée l’été 2008 à Marseille. La psychose a atteint son paroxysme quand trois Roumains accusés à tort d’être des trafiquants s d’organes, et des kidnappeurs d’enfants ont été lynchés par une soixantaine d’habitants… d’origine maghrébine. Cet acte a été décrypté par une sociologue, Véronique Campion-Vincent. Selon elle, « les rumeurs traduisent surtout l’inquiétude des gens (…). Ils se disent que personne ne veille vraiment à la sécurité de leurs enfants(…). Quant à la propagation rapide, elle résulte des avancées technologiques : les SMS et Internet amplifient plus rapidement qu’avant les rumeurs ».

Reste à trouver ce qui est vraiment à l’origine de cette psychose en Tunisie. Qui aurait-donc intérêt à propager de telles fausses nouvelles aussi macabres qu’invraisemblables ?

Samy Ben Naceur

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