Tunisie : Le manifeste du théâtre sourouriste

«Manifesto Essourour» de Taoufik Jebali. Avec de l’électro incluant des mélodies vocales des années 30 en bande son. Qu’Ali Douagi nous pardonne ce long oubli : nous pensions qu’il était hors du pays, dans un pays nommé BILAD TARARANNI !

Au théâtre de plein air de Hammamet, entouré par les jardins de Dar Sébastien, s’est tenue l’ouverture de la 45ème édition du Festival International de Hammamet, mardi 07 juillet 2009 avec « Manifesto Essourour » un spectacle mis en scène par Taoufik Jebali en hommage à Ali Douagi.


« Excavons-le de l’exiguïté des espaces scolaires et portons-le aux places ensoleillées du Théâtre. Transposons le du café « el Abassias » au café « el Abathiya » où lui seraient accordés tous ses désirs d’antan, et qu’Ali Douagi nous pardonne ce long oubli : nous pensions qu’il était hors du pays, dans un pays nommé BILAD TARARANNI ! » Ainsi présente Taoufik Jebali cet hommage dont la dramaturgie est co-écrite avec Raja Farhat.

Slam, Electro et Danse

Sous le signe de cette « Abatheya », Jebali nous a fait vivre un voyage avec l’esprit de Douagi en rencontre avec le sien dans le carrefour des plaisirs de la vie. Loin d’un cours d’histoire somnolant ou d’une ballade littéraire dans les pages usées par les temps. Mis en œuvre d’après les écrits de Douagi, riche avec 300 pièces de théâtre, 150 nouvelles et 150 chansons, Manifeto Essourour a puisé dans cette richesse en l’unissant à la fraîcheur de l’interprétation de 130 comédiens issus d’El Teatro Studio, atelier de formation théâtrale dirigé par Taoufik Jebali. Ce dernier a su mettre cette jeunesse dans son élément avec des costumes du moment et un univers sonore conçu par Jebali lui-même.


Des bandes sons de musique électronique incluant des mélodies vocales des années 30 sont venues renforcer le travail atmosphérique du spectacle. Même le slam était de la partie avec des textes de Ali Douagi déclamés par Hatem Karoui sur une musique de fonds de Slam Alikom. La musique y était aussi chantée tantôt sur un rif jazzy tantôt sur un riff de reggae dans une petite ballade intitulée « Men kol machmoum nawara » meublant une scène de glamour entre un couple plein de vie mais oppressé par les mœurs et doctrines de l’époque. On aurait pu y voir une projection du vidéaste Fethi Doghri qui est resté, malheureusement instable à défaut de moyens techniques. Les lumières meublant une scène nue étaient en harmonie avec la performance corporelle des comédiens. En combat continu contre le sefsari emprisonnant où à la recherche de la chachia perdue, ces corps ont interprété des danses somptueusement concoctées par le chorégraphe, Nejib Khalfallah.


Amoureux de la vie

Fidèle à sa recherche inclassable du non-dit et son rejet du conventionnel, Taoufik a fait de « Manifesto Essourour » un hymne à la vie qu’il célèbre avec Douagi. Dans un univers satirique revendiqué dès le titre : «Manifesto Essourour» en référence au journal satirique de Douagi, « Essourour », édité à Tunis durant les années 30. Ainsi, Jebali est parvenu à présenter Douagi « fier, digne, malicieux, avec son imaginaire débridé, satirique, fin, tendre et coquin.» comme il l’a annoncé à la présentation du spectacle. Surtout grand amoureux de la vie, l’esprit et la pensée de Douagi ont été évoqué dans un humour tordu exprimant le contexte où Douagi a vécu parfois à travers une démonstration de la facette obscurantiste des années 30 de Tunis qui avait un ennemi public nommé Douagi. On y voit une manifestation du syndicat des creuseurs de tombes réclamant la mort de Douagi et la fermeture de son journal plein de vie Essourour. Femmes, Boukha et Takrouri ont tous été mentionnés dans les textes, dans une célébration des plaisirs de la vie dans l’amour du risque qu’ils impliquent autour d’une dépendance extrême à l’expression, à l’ivresse artistique.

Vendredi 17 juillet, « Manifesto Essourour » sera sur la scène de l’Amphithéâtre Romain de Carthage. Après cette première à Hammamet, « Manifesto Essourour » prendra certainement plus de maturité avec une nouvelle mise en scène adaptée du théâtre circulaire de Hammamet au théâtre rectangulaire de Carthage. De toutes les façons, peut importe le cadre. Toufik Jebali, inspiré par l’esprit de Douagi pourra briser tout cliché, pour résoudre la quadrature du cercle.

Thameur Mekki

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