Le robot humanisé selon Mehdi Khamassi

Un chercheur tunisien a participé au développement d’un robot capable de concurrencer ce qui se fait au Japon. Une star de la science qui déclare : «J’aimerai bien transmettre mes connaissances aux Tunisiens». Interview exclusive.

Il est invité par radio comme France Culture. Son nom est cité par des agences de presse internationales comme Reuters, et l’AFP. Des revues françaises comme Le Point, le Nouvel Observateur, reprennent ses paroles. Il est d’origine tunisienne, spécialiste en intelligence artificielle. Il s’appelle Mehdi Khamassi. Un jeune chercheur particulièrement prometteur, qui a participé au développement d’ ICub, «un robot humanoïde de pointe capable de concurrencer ce qui se fait au Japon» martèle Mehdi. Un scientifique qui veut mettre la robotique au service de l’humanité.

Un jeune chercheur et post-doctorant en sciences cognitives orientant ses recherches entre l’intelligence artificielle et les neurosciences. Il est en passe de révolutionner le domaine de la robotique. Il planche en ce moment même sur un des plus importants projets européens. L’objectif affiché ? «Humaniser» progressivement un petit robot déjà tellement évolué qu’on se croirait en pleine science-fiction. Interview.

Tekiano : Comment vous est venue cette passion pour le domaine la recherche, plus particulièrement, celui de l’intelligence artificielle ?

Mehdi Khamessi : Depuis mon plus jeune âge, j’ai été fasciné par les films de science fiction, notamment ceux qui concernaient les machines futuristes et les robots. Cela a sans doute été un des éléments déclencheurs, je l’avoue.

Parlez-nous un peu de votre parcours

Ayant fait mes études à Paris, Math sup, je me suis orienté vers une école d’ingénieur informatique dans laquelle il y avait une option relative à l’intelligence artificielle. C’est à partir de là que j’ai acquis les méthodes fondamentales de programmation et de modélisation. Ensuite, J’ai découvert l’univers des sciences cognitives, pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et cerner les mécanismes de la pensée.

Avec un DEA de sciences cognitives en poche, j’ai continué à me spécialiser en intelligence artificielle, tout en me formant, en parallèle, à la neurobiologie : il s’agit de comprendre concrètement ce qui se passe dans le cerveau humain comme l’échange d’informations, la perception, l’apprentissage…

Il est clair que mon background en modélisation/programmation m’a énormément servi pour aider à établir une sorte de formule mathématique conjointe au domaine des neurosciences computationnelles (utilisant les outils de l’intelligence artificielle comme les neurones pour reproduire ce qui ce passe dans le cerveau, adaptation du comportement…)

Résumez nous en quelques mots l’objet de vos recherches

Dans le but de faire collaborer l’intelligence artificielle et la robotique, il s’est avéré qu’il était utile d’utiliser des robots pour mieux comprendre le cerveau : c’est là, quelque chose de vraiment nouveau, car le robot qui comporte un modèle d’intelligence va interagir directement avec l’environnement dans lequel il se trouve. Lors d’une simulation par exemple, on peu contrôler tout ce qui se passe, ce qui permet de faire un lien entre une activité cérébrale et un comportement.

En résumé, les neurosciences peuvent enrichir la robotique du fait que s’inspirer du cerveau peut permettre de faire des robots plus adaptatifs, plus autonomes. Ces derniers, pourront d’ici quelques années aider l’homme dans les tâches difficiles (aide à la décision), les tâches pénibles (tâches ménagères, réparations), voire dans les tâches dangereuses (explorer d’autres planètes, déminer un champ après une guerre, entretenir une centrale nucléaire). On est bien loin des robots japonais qui malgré leur degré d’évolution mécanique et leur aspect ultra moderne, sont seulement préprogrammés pour effectuer des tâches relativement simples.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet ICub ?

Il s’agit d’un des robots les plus perfectionnés du moment. Il a un énorme degré de liberté : il peut bouger chacune de ses articulations comme les doigts, les mains et même ses yeux.

Il a été construit et assemblé par l’institut de technologie de Gêne qui en a envoyé plusieurs exemplaires à travers toute l’Europe dont un dans le laboratoire de l’INSERM. Chaque laboratoire s’occupera de développer une partie spécifique du robot dont les capacités sont quasi- illimitées. Le but de l’Europe est de construire tout un réseau de collaboration afin de s’échanger les diverses informations. Mais également, être une sorte de compétiteur direct vis-à-vis des robots japonais.

Quant au laboratoire où j’officie, il a pour tâche précise de reproduire l’intelligence de l’enfant et ainsi amener le robot à penser et à agir comme l’homme en reproduisant ses propres gestes.


Quel effet cela vous procure d’être considéré comme une star de la science après que l’AFP ai répercuté l’info ?

(rire) Moi une star ? C’est extrêmement gratifiant de voir que le travail que nous entreprenons soit relayé et qu’il intéresse le monde. J’aimerai ainsi faire partager ma passion au plus grand nombre. J’avoue que je serais capable de parler durant des heures entières du travail que je fais.

Le laboratoire de L’INSERM auquel j’appartiens, traite également certaines pathologies humaines par rapport au cerveau comme la maladie de Parkinson. Si on arrive à programmer une partie d’un cerveau artificiel on peut à un certain moment comprendre certains mécanismes relatifs à ces troubles et peut être un jour trouver des solutions moléculaires ou chimiques. Cela peut être un pas vers le futur pour les médecins chercheurs.

Quelles sont vos affinités avec la Tunisie ?

Je suis en effet franco-tunisien, né de père tunisien et de mère française. Chaque année je viens en vacances chez ma famille avec qui je reste en contact étroit.

Pas de collaboration en vue avec des universités tunisiennes ou bien des chercheurs ?

Je n’ai pas encore eu l’opportunité de participer à un programme d’échange ou bien d’enseigner en Tunisie mais j’aimerai bien transmettre aux Tunisiens les connaissances que j’ai acquises. Pourtant, des étudiants issus d’écoles tunisiennes viennent parfois effectuer des stages dans les laboratoires de recherche mais pour le moment, je n’ai aucune collaboration formelle ou officielle avec des membres de ces écoles. Mais ca serait un plaisir pour moi si cela se réaliserait au fur et à mesure de mes futurs contacts.

Etes-vous davantage tourné vers l’Enseignement ou vers la recherche ?

Il ya deux carrière en parallèle qui peuvent être envisagées en France : purement chercheur dans de prestigieux organismes publics de recherche (CNRS ou L’INSERM, l’INRIA….) ou bien être enseignant chercheur. Je suis davantage tourné vers la deuxième option car il s’agit d’une façon de se rendre utile pour la société et de lui transmettre mes connaissances. De plus, étant donné que j’ai déjà animé des travaux dirigés, j’avoue que l’enseignement ne me déplait pas du tout.

Pensez-vous un jour revenir en Tunisie ?

Pourquoi pas ! Le monde est de plus en plus petit. En plus, d’adore le climat méditerranéen, et cela dépend surtout des opportunités à venir qui s’offriront à moi. Une carrière de chercheur c’est assez long. De même, quand on commence à travailler à un niveau international et avoir des collaborations à travers le monde entier, on peut facilement décrocher des postes dans des pays très connus comme les USA ou le Japon. On m’avait proposé un poste au Japon où j’ai travaillé pour une période de quelques mois. Il m’a fallut ensuite revenir assez rapidement pour des raisons personnelles.

Propos recueillis par Samy Ben Naceur

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