Tunisie : Les smigars du net se révoltent

Pourquoi ne pas comptabiliser les frais de téléphone et d’internet dans ce «salaire minimum vital» du Tunisien moyen ? Un moyen comme un autre pour survivre dans la société du savoir qui prend des allures de jungle numérique.

Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) constitue le «minimum vital» pour vivre dignement en société. Un smigar du net est une personne dont la situation économique ne lui permet pas d’accéder aux dernières innovations technologiques, y compris en matière d’Internet. Il devra donc réfréner ses désirs, pour se limiter au degré zéro de la high tech, le minimum technologique plus ou moins garanti… Un moyen comme un autre pour survivre dans la société du savoir qui prend des allures de jungle numérique.

On ne s’étonnera donc pas que l’écrasante majorité des clients de la téléphonie mobile en Tunisie ait choisi le régime prépayé, avec les cartes de recharge qui vont avec. Même tendance du côté de l’ADSL. Le 512Kb/s est le débit d’entrée de gamme proposé actuellement par nos fournisseurs d’accès. Et il a une cote de popularité qui n’en finit pas de monter chez le Tunisien moyen. Et pour cause, si on additionne l’abonnement Internet du FAI et les frais de Tunisie Telecom, la facture mensuelle de l’ADSL devient vite salée. Et on a beau se la dorer, la pilule est encore plus difficile à avaler avec le 1 et le 2 Mb/s.

Pourtant, tous les technophiles de Tunisie (des étudiants et des jeunes pères de famille pour la plupart) caressent le rêve de disposer d’un débit à la célérité de la lumière. C’est dire qu’une offre supérieure au 2 Méga est plus que désirée. Une envie que n’a cessé d’alimenter la rumeur sur la date de lancement du 4 Méga depuis plusieurs mois. A tel point que des langues indiscrètes se sont empressées d’annoncer la date officielle de sa sortie avant même que les derniers détails de l’offre ne soient complètement fignolés. Un court circuit (électrique). De quoi dresser les cheveux sur la tête de certains contre les taupes qui divulguent sans vergogne des informations «stratégiques» aux medias.

La chasse aux balances commence ! Mais voilà que la situation n’est plus sous contrôle. Un grand fournisseur d’accès rompt le pacte du «secret» et dévoile la nouvelle une semaine en avance. Les hourras ont fusé de toute part malgré le prix de la redevance Tunisie Telecom affiché par ce FAI.

Qu’à cela ne tienne ! Le buzz est en bonne marche et les règlements de compte se feront après ! Ainsi, la veille du 7 novembre, l’opérateur historique a annoncé l’évènement dans un communiqué de presse plutôt accrocheur. «Et oui, vous en avez entendu parler, vous en avez eu la curiosité aiguisée, vous l’avez attendu, guetté… et ça y est, le voilà enfin !» lit-on sur le communiqué qui, plus loin, décrit le prix du 4 Méga comme étant «un tarif très attractif de 50 DT/mois pour les clients fixes post payés et prépayés et un tarif encore plus attractif de 35DT/mois pour les clients FIXI».

Un forum technologique tunisien a repris et partagé la bonne nouvelle entre ses membres. Après tout, ses visiteurs sont les plus réceptifs à ce genre d’informations. Mais aussitôt publiée, les réactions ne se sont pas faites attendre : «tarif très attractif de 50 DT/Mois… tiens ça fera plaisir aux smigars ça !», «Tarif très attractif qui n’attire personne. Bien vu TT !» ou encore «50 DT/mois c’est sûr que c’est très attractif et ça va dans le bon sens… vers la promotion du haut débit en Tunisie ! ya walla a7wal !!!», lit-on parmi les réponses.

Mais si cette grille tarifaire a rendu grognon quelques personnes, elle a eu, par contre, le mérite d’ouvrir le débat sur des questions de fond : «en se basant sur quelle étude ils ont su que c’est un tarif très attractif ?» se demande l’un des membres. «Pourquoi ils ne commencent pas déjà à collaborer ensemble [NDLR : Tunisie Telecom et les FAIs] pour qu’on puisse payer une seule facture ? Ça serait pas mal» surenchère un deuxième.

Le SMIGAR du 21ème siècle

Les nouvelles technologies de la communication sont entrées dans le quotidien du Tunisien par la grande porte. Après tout, ce n’est pas un hasard si notre ministère des technologies de la communication communique régulièrement sur les progrès de la Tunisie en matière de promotion des TICs (lire notre article). Mais le prix auquel sont proposées n’est pas toujours à la portée de tout le monde. Or des tarifs accessibles sont indispensables pour intégrer notre chère classe moyenne dans la société du savoir numérique. Une proposition ? Pourquoi ne pas comptabiliser les frais de communication (comme le téléphone et l’internet) dans ce «salaire minimum vital» du Tunisien moyen ? Le simple SMIGAR du 21ème siècle n’est-il pas devenu plutôt un SMIGAR du net ?

Welid Naffati

Caricatures de Seïf Eddine Nechi

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