Tunisie-2019: Orange électronique

L’abonnement 3G est à 5 dinars par an. Les 10 millions de tunisiens se sont transformés en reporters. L’iris de l’œil gauche du nouvel abonné est scanné mémorisé. Délire techno by Tekiano pour vous souhaiter une excellente année 2010.

Depuis qu’il sert aussi à les traquer, les cataloguer, les identifier, les Tunisiens ne rêvent que d’une seule chose : se débarrasser de leur téléphone mobile. C’est que l’appareil universel est devenu très envahissant ces neuf dernières années. Sauf que la loi du 15 novembre 2018 l’interdit. A moins de recourir aux 46 demandes à déposer expressément au bureau local des communications civiles, ainsi qu’auprès du centre de recyclage technologique, sans oublier d’avertir la déchetterie publique de l’électronique usagée.

La vague de piratage identitaire qui a déferlé vers 2013 a rendu nécessaires les mesures sécuritaires. Pour lutter contre les malversations, et l’usurpation d’identité, les puces virtualisées ne sont plus livrées sans précautions. C’est en 2015 qu’il a été décrété que la carte sim holographique de l’appareil universel sera désormais délivrée par le bureau local de l’identité et du contrôle numérique. Les formalités sont (évidemment) rapides et automatisées. L’iris de l’œil gauche du nouvel abonné est scanné mémorisé, l’empreinte du majeur du pied droit relevée puis stockée dans les serveurs, et enfin le timbre de la voix de l’abonné potentiel est enregistré. Une mesure qui permettra d’identifier sans équivoque les détenteurs de cartes.

En 2014 le boom du mapping a bousculé les relations sociales et familales. Les applications permettant de suivre tout un chacun à la trace ont inondé le souk. Bien des épouses bafouées se sont enfin rendues compte que ce n’est pas au boulot que leur mari fait des heures supplémentaires. Elles en sont arrivées à exiger l’activation permanente de la caméra intégrée au téléphone toujours plus smart. La traditionnelle question «t’es où» les maris ne la posent plus à leur femme. Ils suivent leur douce moitié en direct sur le petit écran du mobile de 7ème génération.

Google Actualités a fini par lancer une édition Tunisie en 2018. Le téléjournal de canal 7 a fini par disparaître de la lucarne. Avec le prix de l’abonnement 5G fixé à 5 dinars par an, les 10 millions de Tunisiens se sont transformés en reporters. Le syndicat des journalistes version 2.0 s’est fendu d’un communiqué pour exprimer «sa profonde inquiétude devant la transformation du métier par l’action pernicieuse d’intrus à la profession». Mais à l’ère de la transparence absolue soutenue par la cybersurveillance permanente, nul besoin d’intermédiaires de l’information. L’info est distribuée à discrétion sur les marchés aussi virtuels que parallèles.

Les journalistes ne seront pas les seules victimes collatérales de la 5G. Les communications étant le vecteur stratégique de la finance, la monnaie mobile a fini par chasser la mauvaise, et pousser les billets de banque hors du circuit monétaire. Et l’opérateur Pamplemousse, aussi gros soit-il, ne prend plus ses abonnés pour des poires, même si ses concurrents historiques les ont pressés avant lui, comme des citrons. Mais les carottes génétiquement modifiée sont cuites. Et seuls quelques vieillards se souviennent encore du temps où l’inscription à Facekhouk n’était pas obligatoire. Le Consortium des Identités Virtuelles dispose de tous les moyens pour sanctionner les contrevenants s’ils n’affichent pas les 3 photos réglementaires (avec les oreilles dégagées) sur leur bon profil. C’est aussi pour cela que nous, Tunisiens, jouissons de la sécurité électronique en 2019. Notre sérénité fait des jaloux, mais elle est à ce prix.

Oualid Chine

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