Tunisie : Qui veut la peau des publinets ?

Les cafés proposant une connexion wifi se multiplient en Tunisie. Pourtant, ils n’ont pas d’autorisation «spéciale» exigée pour l’ouverture d’un publinet. Le surf sur le Net devient donc un argument marketing supplémentaire pour les cafetiers.

La démocratisation du haut débit en Tunisie, saluée par le grand public, a aussi ses victimes collatérales. Les publinets, nos centres publics d’Internet qui ont fait leur apparition il y a dix ans, font face a de plus en plus de difficultés. La baisse des tarifs de l’ADSL light pour les particuliers les a frappés de plein fouet. Et comme si cela ne suffisait pas, voici que des salons de thé proposent une connexion Internet en plus de la consommation. Il est même courant de voir des cafés facturer à leurs clients la connexion Internet en sus. Fini le temps béni pour les propriétaires de nos publinets, quand les jeunes se bousculaient dans leurs boutiques surfant sur la vague du T’chat, de l’IRC (mirc), et autre Caramail.

Concurrence déloyale

Du côté des gérants la colère gronde. M. Zied Baldi, gérant d’un centre public d’Internet à El Omran Supérieur et représentant de la chambre syndicale nationale des publinets, souligne «En plus de la patente et du registre du commerce, quand on met en place un publinet, nous devons avoir une autorisation spéciale».

Mahmoud Sghaier, propriétaire d’un centre public d’Internet au
Bardo depuis 2002 s’inquiète de «voir prospérer des publinets clandestins qui masquent leur activité réelle sous la forme d’un centre de formation informatique ou une salle de jeux. Or eux n’ont pas cette autorisation spéciale exigée par la loi».

En plus des publinets clandestins, les gérants subissent également la rivalité des cafés et salons de thé. Beaucoup d’entre eux proposent en effet la connexion wifi gratuitement en sus de la connexion Internet via wifi. «Ces cafés et ces publinets clandestins n’appliquent pas les exigences sécuritaires mises en place par les grandes instances nationales afin de décharger la responsabilité du gérant du local en cas d’utilisation frauduleuse d’Internet. Mais elles n’encouragent guère les gens à venir aux publinets» s’insurge M. Shaier.

«Nos clients trouvent aberrant de perdre de temps à remplir des formulaires avant de naviguer, surtout s’ils viennent juste pour 5 minutes, le temps de consulter leurs mails».

Ce qu’en dit la loi

D’après la loi, les gérants de publinets sont en effet tenus «De respecter les règles déontologiques auxquelles obéissent les médias. De permettre aux utilisateurs des micro-ordinateurs qui désirent s’abonner de souscrire de contrat, selon un modèle type élaboré en l’objet par l’Agence Tunisienne de l’Internet qui leur permet d’accéder aux services Internet. De tenir une base de données relative aux clients abonnés pour la gestion de leurs comptes et leur remettre après chaque accès le solde de leurs comptes». (Voir l’Arrêté du Ministre des Communications du 10 décembre 1998, disponible en ligne sur le site publinet.org.tn).

La question Publisoft

Les publinets sont en plus tenus de garder une base de données des clients qui se connectent depuis leur local. M. Zied Baldi nous explique son fonctionnement : «En y mettant le numéro de la carte d’identité nationale du client, le logiciel Publisoft génère un login et
un mot de passe personnalisé à ce numéro CIN. Le gérant devra ensuite le communiquer au client. Ce dernier les rentre sur l’interface graphique affichée sur le poste de travail. Ce logiciel ouvrira l’accès à Internet et comptabilisera le temps passé de connexion et donc la somme à payer par le client».

On notera au passage que quelques publinets tunisois ne demandent pourtant pas le numéro de la CIN aux nouveaux clients, même si le logiciel Publisoft est dument installé sur les ordinateurs mis à la disposition des internautes.

Le site sospublinet.tn propose le Publisoft en téléchargement gratuit. Le portail précise aussi qu’«uniquement les publinets peuvent télécharger ce logiciel». Sospublinet.tn insiste sur le fait que le Publisoft «doit être utilisé uniquement dans la gestion des publinets et ne doit en aucun cas être commercialisé ni utilisé dans d’autres activités».

Les choses sont donc claires : Publisoft est incontournable pour les Publinets. Or l’obligation de son installation exclut donc de fait les Pc portable des clients (étudiants par exemple) qui souhaitent se connecter en wifi ou en Ethernet. La navigation sur le web devrait se faire uniquement sur l’un des postes de travail installés sur le réseau local du publinet. Une restriction qu’on ne trouve bien évidemment pas dans les salons de thé tunisiens. Le surf sur le Net devient donc un argument marketing supplémentaire pour les cafetiers. Et c’est les publinets qui en payent les frais.

Welid Naffati

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