Tunisie : Après Dhafer El Abidine, l’affaire 7alla m3ak

Facebook « demeure le seul endroit en Tunisie où il est possible de voir et de partager ce qu’on aime ou pas, de le dire et de s’interroger». C’est un publicitaire qui le dit. Et visiblement, question pub, le net est 7alla m3ah… malgré toutes les polémiques.

La dernière campagne de publicité de Boga Lime a envahi nos rues avec un concept original et un slogan bien de chez nous. Un site événementiel lui a même été consacré : 7allam3ak.com. Après celle de Boga cidre, c’est la deuxième fois que la marque de boisson Boga s’est essentiellement basée sur le Net pour augmenter son impact. Et pour cause : le buzz autour de la campagne «Fais ton film avec Dhafer El Abidine» dans le cadre de la promotion de Boga Cidre a bien marqué le Net tunisien grâce à la controverse. En effet, des vidéos de promotion de la marque mettaient en scène différents personnages (une fille dominatrice avec un fouet ou le styliste Salah Baraka) qui draguent ouvertement l’acteur tunisien Dhafer El Abidine dans un salon de thé branché. Ces vidéos n’ont pas été diffusées à la télé, mais uniquement sur Internet. Pas de risque qu’on les regarde en famille donc.

Voyant le succès et le buzz qu’a créé la campagne Boga Cidre, la marque réitère le coup pour sa déclinaison Lime. Et c’est encore Ogilvy One, l’unité digitale de l’agence de communication Memac Ogilvy Label, qui a été mise à contribution. C’est ainsi que le site 7allam3ak.com a été créé avec un jeu concours permettant aux facebookeurs tunisiens de gagner 100 dinars. Une vidéo avec un ton décalé et très humoristique a même été tournée à cet effet pour promouvoir la marque et le concept 7alla m3ak. Et comme d’habitude, Ogilvy One a décidé de diffuser la séquence vidéo uniquement sur Internet. En quelques heures, cette vidéo virale a fait le tour la toile tunisienne surtout sur facebook. Elle a été visionnée plus de 200.000 fois depuis sa date de publication à en croire les statistiques de vimeo.com. Mais voilà qu’une autre polémique éclate.

Faussez les stats grâce aux robots ?

C’est le blog emarketingclub.net qui a ouvert le feu en mettant en doute la légitimité de ces stats : «Cette vidéo a été vue selon le compteur de Vimeo environ 200.000 fois, ce qui représente un chiffre énorme pour une vidéo tunisienne tournée en dialecte tunisien. Mais cette même vidéo n’a été «likée» que 12 fois depuis et le nombre de commentaires postés pour celle-ci n’a pas dépassé les 4… Même si le concept est intéressant, je me suis demandé si le chiffre annoncé était crédible… Et si cette vidéo a été réellement visualisée 200.000 fois».

L’auteur de la note a ainsi constaté que malgré ce nombre impressionnant de visionnage, beaucoup de personnes dans son entourage n’ont guère remarqué l’existence de la vidéo sur Internet. Après ce mini sondage, l’auteur soupçonne Ogilvy One de manipulation des stats «ayant pour objectif la présentation de chiffres erronés pour faire plaisir à l’annonceur ou pour justifier d’une maitrise du canal Internet». L’auteur a ainsi formulé une hypothèse sur le procédé technique qui aurait permis à Ogilvy One de «manipuler» les stats. Et pour le prouver, il a envoyé un mail à vimeo.com leur demandant si les connexions des robots (bots) sont comptabilisées dans le nombre des pages vues et donc le compteur du nombre de visiteurs pour le visionnage d’une vidéo chez l’hébergeur de ces vidéos. D’après emarketingclub.net, la réponse de vimeo.com (en anglais) confirmait les doutes du bloggeur.

Il en a ainsi conclu que l’agence de communication utiliserait un réseau de bots dont leur fonction et de gonfler les stats de leurs vidéos virales sur Internet.

Approximations et contre vérité

Dans un communiqué publié par le blog emarketingclub.net et dont Tekiano a reçu une copie, Memac Ogilvy Label a répondu avec vivacité à ces accusations tant elles contiennent «d’approximations et de contre-vérités». «Car les chiffres sont vrais et même très probablement en dessous de la réalité», se défend Nicolas Courant, Creative Director chez Memac Ogilvy Label. «Il est à noter que 200.000 personnes ne représentent qu’une infime partie du nombre de Tunisiens sur Facebook (un peu plus de 10%).(…) Les chiffres sont en dessous de la réalité car nous avons pu observer que certaines pages à gros potentiel d’audience (…) avaient posté la vidéo après l’avoir téléchargée donc non via son lien vimeo. Ce qui fait que nous n’avons pas les statistiques sur ces diffusions. Mais cela nous a permis de générer du trafic sur le site 7allam3ak.com ce qui était notre objectif puisque à la suite de la diffusion du film viral, le site a vu son nombre de visites augmenter de 50%».

Dans sa réponse, M. Courant a rappelé également le poids de facebook dans l’internet tunisien «puisqu’il demeure le seul endroit en Tunisie où il est possible de voir et de partager ce qu’on aime ou pas, de le dire et de s’interroger. Il y a un énorme potentiel et le succès est assuré à partir du moment où vous leur offrez du contenu de qualité. Un internaute ne vient pas sur Facebook pour voir ce qu’il pourrait voir à la télévision». Il rappelle au passage que les Tunisiens raffolent des clips vidéos. Leur engouement pour les pages fans spécialisées dans la publication des clips vidéos en est la preuve.

Le directeur de la création évoque ainsi l’orientation stratégique de son agence dans le secteur de la publicité : «le viral de cette année a amené les gens à se poser des questions, à y croire, ou pas, à discuter entre eux, ou à trouver l’histoire tellement incroyable ou drôle qu’elle méritait d’être vue par d’autres».

En gros, plus la vidéo est marrante ou choquante, plus elle sera partagée et plus le buzz augmentera.

Autant de facteurs qui ont contribué à façonner le succès de la campagne 7allam3ak. Et qui laissent prévoir une avalanche ramadanesque de pub sur le web. Après tout, jusqu’ici, l’indigestion était réservée à la télé. Or il semblerait que le Net tunisien soit le mieux placé pour capter des pubs novatrices et qui ne caressent pas nécessairement le téléspectateur (ou l’internaute) dans le sens du poil. Le web aura donc vraisemblablement une plus grosse part de zlabia. Et c’est bien connu : rien ne vaut les boissons gazeuses pour digérer.

Welid Naffati

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