Tunisie : Mezoued… «Nous ne sommes pas une minorité»

De Hay Ettadhamen à Djbel Lahmar, tous les quartiers démunis de Tunis ont leurs artistes. A l’écoute du Mezoued, leur population fait la fête, encaisse les coups de blues et se laisse porter par la transe. La caméra de Sonia Chamkhi s’est intéressée à cet art controversé… L’Art du Mezoued.

«Pourtant, je suis très loin, retiré. Ni de gauche, ni de droite. Je ne suis ni opposant ni syndicaliste. Je ne suis nulle part. Ma position est retranchée. Mon parti ? C’est le parti de l’art. C’est ça mon parti». C’est ce qu’a déclaré Salah Farzit, figure emblématique du Mezoued, face à la caméra de Sonia Chamkhi.

La réalisatrice a présenté, en avant-première, son film documentaire, «L’Art du Mezoued» (dont ce témoignage est extrait), samedi 14 août, à la salle du CinémAfricArt. «Erdha 3lina ya lemmima», c’est avec une interprétation de ce morceau par Salah Farzit, himself, que la soirée a commencé avant de laisser place à la projection du film.

L’art du Mezoued – bande annonce – Salah El Farzit from Sonia Chamkhi on Vimeo.

La piste de danse est pleine à craquer. Pourtant, il pleut des cordes. Mais, la pluie ne saura pas mettre fin à la transe du Mezoued. Les bouteilles de Haut Mornag, vin rouge low cost, sont hissées haut. Un jeune homme remonte son short glissant. Un autre remet sa casquette Nike TN trempé par la sueur. Et une femme rajuste son voile dénoué. Rien ne stoppe la cérémonie dont le maître est Salah Farzit, chanteur du fameux tube «Chrigui bigui bigui baw». C’est avec ces images que «L’Art du Mezoued» commence avant de céder la parole aux mzewdis.

Outre Salah Farzit, des musiciens, joueurs de mezoued (cornemuse) et instrumentistes, à l’instar de Zarga et Gaddour font découvrir leur univers jugé «voyou» par l’intelligentsia tunisienne et officiellement exclu jusqu’en 1990. Achref, star montante du Mezoued (son tube «Khayna»), parle de l’attitude hypocrite des artistes de variété tunisiens vis-à-vis de son art. Et Hédi Donia revient sur son initiation au Mezoued et les origines soufies de cet art.

Les témoignages aussi révélateurs que percutants s’alternent avec comme personnages principaux Salah Farzit et Mustapaha Gattel Essid, un des pionniers du Mezoued. Ce vieil homme évoque la naissance de cet art et l’origine du mot et de l’instrument. Il s’agit d’un terme dérivé du mot «zed», ce qui signifie en langue arabe, «provision», histoire de ne pas se retrouver à court de munition.

l’art du mezoued, bande -annonce 2 from Sonia Chamkhi on Vimeo.

Mustapha Gattel Essid raconte des anecdotes de son vécu. Ce gardien du temple du Mezoued revient sur le rapport ancestral entre le chant Mezoued et le soufisme. Et la contribution fondamentale de la communauté juive tunisienne dans la gestation de ce genre musical. Il regrettera même le déclin de la cohabitation entre minorités dans la société tunisienne actuelle.

«L’Art du Mezoued» vient à un moment où une réflexion autour de l’essor du Mezoued, les motifs de sa marginalisation des médias, sa part du gâteau événementiel national et son intégration dans les cursus universitaires s’impose. Ce film représente le seul document audiovisuel réalisé sur le Mezoued. Le vrai art underground de Tunisie le vaut bien !

Thameur Mekki

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