Tunisie : Les Rastas brûlent Babylone à la Médina

«Burn Babylon… burn» clame le reggae man jamaïcain Bobo Niyah. Epaulé par Yah Meek, ces Rastas brûlent Babylone, terme désignant le mal dans le jargon de leur idéologie. Jah Rastafari a été glorifié dans la Médina. Guerre, injustice et oppression ont été descendu en flammes à coups de beats reggae.

Taranim, liturgies, Dhikr, Hadhra et autres, les louanges musulmanes, de toutes sortes, envahissent les scènes des festivals de Tunisie en ce mois de Ramadan. Les chants prétendument «soufis», on en a eu jusqu’à l’ivresse pendant ce Mois Saint, concordant, cette année, avec la saison estivale. Mais le Festival de la Médina est sorti du moule lors de la soirée du dimanche 29 août, tenue aux Jardins du Palais Keireddine. Exit les voix à la gloire d’Allah et chantant la foi musulmane! Place au reggae, à la musique louant Jah Rastafari.

Hommage à Jah… et à Allah !

«Je propage le message du Tout Puissant. Que ce soit Allah, Jah Rastafari ou autre, il n’y a qu’un et nous le prions tous. Nous voulons propager l’amour et la paix pour que la justice puisse régner sur toute l’Humanité» déclare Bobo Niyah, artiste reggae jamaïcain en tête d’affiche de la soirée. «Read the Bible one chapter a day, chase the devil far away» lance en refrain le reggae man Yah Meek, en première partie de la soirée. Et il poursuit sa performance en s’attaquant aux oppresseurs, aux politiciens corrompus et à toute sorte d’injustice.

En bref, il descend en flammes «Babylon», terme désignant le mal dans la culture Rasta. La couleur est affichée dès le début du concert. Les vibrations de la musique des Rastamen protagonistes de ce set d’une heure et 45 minutes baignent dans l’univers spirituel de la foi rasta. «King Selassie» clame Bobo Niyah depuis les coulisses. Il loue le nom de Haile Selassie, ex-empereur de l’Ethiopie de 1930 à 1974. Un monarque considéré par les Rastas comme un Messie noir. Il s’agit du suprême symbole divin des adeptes de l’idéologie Rastafari.

Résistance sonore des Bobos

Accompagné par deux guitaristes, un claviériste, une choriste et un bassiste, Bobo Niyah a inauguré son set avec «Love makes the world go around», extrait de son dernier album intitulé «Di Observer». Et d’autres morceaux du même opus s’alternent. Bobo Niyah descend la guerre dans «War is not the Answer». Des aigus aux graves, il change de gamme avec facilité et passe du chant reggae chaloupé au rimes de ragga scandées avec beaucoup d’ardeur.

L’artiste nous parle de ses influences : «Sizzla a été, depuis toujours, mon artiste préféré. Il a un style unique qu’il arrive à adapter à plusieurs genres.

C’est ce qui en fait un artiste aussi exceptionnel. Et c’est ce qui en fait mon préféré. Je suis aussi un grand fan de Bob Marley et de Peter Tosh». Et Bobo Niyah ne nie pas que le fait qu’il soit issu des Bobo Ashanti, même ordre rasta que Sizzla est, entre autres, un motif de la sympathie qu’il éprouve pour son compatriote. L’apparence des Bobos est distinguée par le voile qui couvre leurs dreadlocks. Il s’agit d’une sous-culture rasta caractérisée par une pensée radicale. Les Bobo Ashanti se sont fait connaitre grâce à des artistes tels que Sizzla, Capleton et Anthony B.

A la recherche de sa Zion

«Il y a beaucoup de sang qui coule dans les rues tous les jours, du sang d’innocents. Disons ensemble, assez de sang» lance l’artiste au public en partie déchaîné. Le Rastaman continue à l’emballer avec «Possitive» ou encore «Red out in the streets», un morceau inédit chanté en a capella. «C’était fantastique. J’ai été surpris» dixit Bobo Niyah au sujet de l’audience. Il remercie le public pour ses «positive vibes» avant de l’embarquer dans une évasion loin de Babylone avec son morceau «Fly away».

Avec «To the top», Bobo Niyah signe un véritable hymne à la persévérance. Le reggae man jamaïcain sait de quoi il parle. C’est qu’il a fait un long voyage depuis son pays d’origine jusqu’en Allemagne pour pouvoir entamer une grande carrière internationale. Il nous en parle : «C’est dur d’évoluer en Jamaïque. Il y a beaucoup d’artistes. Il faut donner le meilleur de soi-même. Il faut foncer et faire savoir à tout le monde que ce que tu fais est exceptionnel». Et il poursuit : «Ce n’était pas facile en Allemagne. Mais on a fini par fonder quelque chose. Nous nous y sommes fait un nom. Et on a su s’y imposer».

Thameur Mekki

Crédit photos: Mohamed El Hedef

Print Friendly, PDF & Email

Plus :  Actu



  • Envoyer