Tunisie : L’EST, l’Ahly, et l’intox des supporters

Comment limiter les dégâts du football et préserver les neurones de nos concitoyens ? Faut-il remplacer les émissions sur le foot par des documentaires sur les abeilles ou le rhinocéros blanc ? La désintoxication est à ce prix, que d’aucuns jugeront exorbitant.

Des fans d’Ezzamalek, le rival égyptien de l’Ahly ont mis en ligne une vidéo choc montrant le tabassage des supporters de l’Espérance par des agents de sécurité dans le stade du Caire. Signe de la fraternité qui règne entre clubs, en Egypte. Une autre vidéo expose les efforts accomplis par un responsable tunisien dans l’avion du retour, pour calmer les esprits de ses compatriotes. Des officiels tunisiens se sont confondus en excuses. Et même la justice a été mise en branle, puisqu’on apprend que des supporters tunisiens accusés d’agressions en Egypte seront finalement jugés en Tunisie. Les responsables égyptiens ont d’ailleurs apprécié «le doigté des Tunisiens dans la gestion des événements».

Des stars tunisiennes ont été mises à contribution pour calmer les esprits. Hend Sabri rappellera ainsi que : «n’importe quel match même entre des équipes locales peut dégénérer de la sorte».

Soulignant au passage l’excellence des relations entretenues entre les publics égyptiens et tunisiens». Une tentative de calmer le jeu alors que le spectre du match Algérie-Egypte hante encore les esprits.

Sur le web tunisien, les accusations d’intox sont lancées. Les médias égyptiens sont cloués au pilori pour «n’avoir diffusé que ce qui les arrange». Des internautes exhortent Tekiano à défendre «nos» supporters. Pendant que l’un de nos lecteurs commente de la sorte notre article «La tragédie du football de la honte»  : «Tekiano , vous êtes de quel côté, tunisien ou égyptien» ?

Les questions en suspens sont nombreuses. Est-ce normal qu’une rencontre sportive dégénère en affrontement sanglant ? Est-ce normal de constater que la tension règne quasi-systématiquement au cours des matchs de foot? Est-ce normal de consacrer quotidiennement autant d’émissions au foot à des heures de grande écoute ? Est-ce normal de relever que les pages sportives sont les plus lues dans nos journaux? Est-il normal que l’écrasante majorité de nos concitoyens ne s’enflamment plus que pour le football ? Les débordements sont-ils dignes de pays émergents ?

S’agit-il là d’indices de développement ou de symptômes de pathologies psychiques et sociales ?

L’actualité récente a révélé toute l’étendue de la toxicité du foot. Les dégâts occasionnés par cet opium médiatique sont colossaux, et nous n’évoquons pas, ici, uniquement la casse dans les stades. Diffusé à haute dose, le sport-roi abrutit, abêtit. Alors que l’intérêt pour les stars de pacotille est sciemment alimenté, avec des nouvelles distillées pour vendre du papier, et du temps de cerveau disponible. On a bien fini par réglementer le temps consacré à la pub à la télé. Pour circoncire l’étendue des dégâts sur les neurones de nos concitoyens, on pourrait commencer par limiter drastiquement le temps consacré au foot à la télé et à la radio. Quitte à le remplacer, dans un premier temps, par des documentaires sur les abeilles, ou les rhinocéros blancs, si nécessaire. La désintoxication est à ce prix, que d’aucuns jugeront exorbitant.

Notre position sur les «événements» du match EST-Ahly, est claire et sans équivoque: nous sommes résolument contre la bêtise et la violence, quelles que soient leur origine. Or visiblement, dans nos pays africains et arabes, en Egypte comme en Tunisie, le football semble perturber la santé mentale des citoyens.

Malek Ben Hammadi

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