Médias de Tunisie : Les déchets de la propagande

Le linge sale des médias tunisiens n’est plus lavé en famille. Il a été exposé, mardi 22 février, devant le siège du journal «La Presse» par les signataires de l’«Appel pour des Médias Libres» sous forme de happening artistique. Ils ont mis des masques à la chevelure mauve histoire de faire tomber les casques de la propagande. L’un des porteurs de cette initiative Dr Riadh Ferjani, chercheur en sciences de l’information et de la communication nous en parle. Interview

appel-medias-libresVous vous insurgez contre les responsables désignés à la tête de la Télé Nationale. Proposez-vous une alternative ? Optez-vous pour un certain mécanisme de nomination?

Dans l’urgence, il faudrait qu’il y ait un consensus. Le prochain PDG de la Télé Nationale ne doit pas avoir d’appartenance politique, ni un alignement sur la ligne tracée par Abdelwahab Abdallah et le régime de Ben Ali. Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) aurait son mot à dire dans l’immédiat. Idem pour les organismes de la société civile en attendant la formation d’une commission qui va préparer la mise en place d’une haute autorité chargée de la régulation des médias, tous les médias audiovisuels, presse imprimée et presse en ligne.

D’où tirez-vous la légitimité de votre action?

C’est une initiative partie de l’observation de la télé à partir du 15 janvier. De discussions en discussions, un petit groupe de spécialistes des médias a lancé un appel qui a été rejoint dans un premier temps par une trentaine de personnalités de la société civile, concernées au premier chef par les médias : Journalistes, universitaires, blogueurs, artistes et autres intellectuels. Le point commun entre tous est une non-appartenance politique même s’ils ont des opinions politiques. En bref, c’est une légitimité autant professionnelle que citoyenne.

Et le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) dans tout ça?

Bien qu’issu de la société civile, cette initiative a été soutenue par les membres du bureau exécutif du SNJT. Il me parait, cependant, important de préciser que notre critique ne s’adresse pas aux journalistes de base qui, pour diverses raisons sociologiques ont été amenés à la dissidence, à quitter le pays, à changer de métier ou à se taire. Notre dénonciation vise un système de propagande dont les moteurs étaient et restent malheureusement la censure, les instructions voire les intimidations. Et ceci est particulièrement vrai aujourd’hui à sur l’écran de la TV Nationale.

manif-medias-libresComment a été la réaction des médias à l’égard de cette action?

La première réaction a été aussi prévisible que choquante. Après beaucoup d’hésitation, la direction du journal «La Presse» m’a informé le 10 février qu’elle regrettait de ne pas pouvoir publier l’«Appel pour des médias libres» même sous forme d’encart publicitaire. La réaction a été la même avec le quotidien arabophone «Echourouk» à la seule différence qu’ils n’ont donné aucune suite à la demande de publication. Nous avons compris que la critique des médias dans les médias suscite des réactions défensives même en temps de révolution.

Et donc le sit-in ayant pris la forme d’un happening artistique est en réaction au refus de «La Presse» et d’«Echourouk»?

En effet, il fallait trouver un moyen pour manifester publiquement notre position. Et c’est ainsi que nos amis artistes ont mis en scène ce happening.

Suite à ce happening, y a-t-il eu des réactions de la part de la Télé Nationale?

Oui, ils ont diffusé un reportage sur le happening. Mais le commentaire a atteint un record d’incompétence et de mauvaise foi. Sur le plateau télé de la même émission qui a diffusé ce reportage, l’animatrice a relevé qu’ils ont montré le reportage à la direction de la TV et qu’ils ont donné leur accord pour sa diffusion «dans le cadre de la transparence» dit-elle.

 
Or dans le cas d’espèce, la télé a diffusé une info tout bonnement fausse : ils ont attribué cette initiative aux journalistes du quotidien «La Presse», alors même que ce journal a refusé la publication de notre appel ! Et ils ont même commenté le happening en disant que «ce sont des journalistes qui règlent des comptes entre eux». Voilà que la Télé Nationale continue à faire circuler de fausses informations.

Propos recueillis par Thameur Mekki

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