Les Tunisiens et le vice caché de Ben Ali

 

La Révolution a fini par nous débarrasser des émissions, et des  producteurs qui contribuaient à l’avachissement généralisé. Mais le voyeurisme ne s’efface pas par décret, ou à coups de manifestations. Comme si l’étalage de ce que le clan avait de plus intime pouvait cicatriser les plaies purulentes.

La télé réalité s’est fait évincer par les émissions de débats politiques. Adios les larmes de crocodiles et les effusions, pour une émotion à deux balles. Place aux intellos et aux politicards qui se la ramène, alors qu’au mieux, ils se tenaient au chaud pendant 23 ans. Enfin pas tous. On aura quand même noté que ceux qui ont tenu bon, et n’ont pas prêté le flanc, on continuera à les ignorer, du moins à la télé. Mais au moins, la Révolution a fini par nous débarrasser de ces émissions, et de (certains) de leurs producteurs, qui contribuaient à l’avachissement généralisé.

Seulement voilà : on ne s’est pas complètement défait des vieux réflexes des téléspectateurs. Le voyeurisme ne s’efface pas comme ça, par décret, ou à coups de manifestations. Difficile de l’extirper. On aura beau gueuler « dégage», rien à faire, il est bien installé. On aura ainsi noté l’apparition d’émissions para-politiques mais bien dans l’air du temps. De celles qui nous font découvrir les «réalités» par le trou de la serrure. Ainsi le bon peuple s’est rincé l’œil, a bavé d’envie, puis marmonné des malédictions devant le spectacle des bijoux de famille accumulés par la régente de Carthage expulsée.

Surfant sur la tendance et égale à elle-même, la chaîne Hannibal TV expose le fils caché de Zaba, et balance un teasing, relatant les malheurs de ce rejeton ignoré par le clan. Comme quoi la télé réalité résiste même à la Révolution, puisqu’elle répond aux envies et aux vices refoulés.

 

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Et après le 14 janvier, on ne saurait mettre délibérément de côté les réseaux sociaux. Les voici, eux aussi, mis à contribution, pour diffuser les photos des enfants du clan. Des clichés bien loin des impostures officielles où le couple dictatorial posait pour la postérité, dans des postures qui se voulaient royales. On dévore ces images des yeux comme si en les reluquant, on se vengeait quelque peu de la malfaisante famille. Comme si la mise en  ligne de ce petit tas de secrets, de ce fatras ubuesque servait à exorciser le spectre de Zaba.

Les vidéos se propagent sur le réseau. Voici les Trabelsi effectuant le hadj, les voilà dans une fête de mariage arrosée. Voici Zaba appuyant sur la gâchette d’un fusil qui bombarde des gosses de confettis. Des révélations sur les mœurs de Sakhr El Materi sont mises en ligne… Comme si l’étalage de ce que ces gens avaient de plus intime pouvait cicatriser les plaies purulentes.

Quelques appels sont lancés pour épargner les enfants des monstres. Pour arrêter de jeter en pâtures ces photos d’une enfance dorée. Des images d’instant de bonheur, pour des Tunisiens (après tout), qui ne connaîtront de répit que dans quelques décennies. En somme, rien de bien nouveau sous le soleil. Après la chute de Ceausescu, les phots des palais aux robinets dorés ont fait le tour du monde. La collection de chaussures de la philippine Imelda Marcos s’est étalée dans la presse internationale. Mais si les godasses passent, que dire des enfants ?

LBC

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