Al Fajr : El General, PsycoM, Bob Marley, vus par Ennahdha

Al Fajr est un hebdomadaire graphiquement plutôt bien emballé, qui voudrait visiblement refléter les options des «jeunes turcs»  du parti. Le rap, le cinéma, ne sont plus ignorés. Les plus rigoristes seront surpris par la quasi-absence d’articles consacrés à la religion dans l’organe officiel d’Ennahdha.

Le journal Al Fajr, du parti Ennahdha a fait son comeback dans les kiosques de Tunisie, le 9 avril, après avoir subi une interdiction de deux décennies. Une disparition motivée par la volonté de Ben Ali de bâillonner toutes les voix discordantes, en peignant, avec l’aide de scribouillards à sa solde, le diable barbu sur la muraille. Et ce premier numéro signant le retour médiatique tonitruant du parti sur la scène publique fait la part belle à la culture. A la une de l’hebdomadaire, un article sur la réalisation des objectifs de la Révolution, une analyse sur l’intervention militaire en Libye, mais aussi une interview de l’homme de théâtre Fadhel Jaibi.

Question cinéma, c’est le réalisateur Naceur Khémir, l’auteur du splendide «Bab’Aziz, le Prince qui contemplait son âme» qui aura les honneurs. L’atmosphère très marquée par la spiritualité et la mystique islamique aura séduit le rédacteur, comme elle a déjà fasciné les cinéphiles aux quatre coins du monde. Mais en ces circonstances, on aurait sans doute préféré, une condamnation sans appel de l’attaque qu’a subie Nouri Bouzid. Même si, (et surtout si) les sujets traités dans les films de Bouzid sont on ne peut plus éloignés des préoccupations du parti de Rached Ghannouchi.

Rappeurs dans les pages d’Al Fajr

Nul ne saurait ignorer le rap, qui a constitué la bande-son de la Révolution. Cri de ralliement de la jeunesse, critique sociale sans concessions, ce style de musique est devenu tout simplement incontournable. Et  aujourd’hui, même Ennahdha ne saurait le zapper. Ainsi, des rappeurs comme El General et le très controversé Psyco M ont-ils eu droit, eux aussi, à un papier. On aura ainsi relevé un mini scoop au passage : Psyco M voudrait à son tour fonder un parti politique. Ennahdha n’étant sûrement pas assez sulfureuse à son goût. Mais ce ne sera pas les deux seules notes musicales de ce numéro, puisque l’illustre Bob Marley, le Pape du reggae, est aussi cité en bonne place. Et ce sont en l’occurrence les lyrics de «No woman No cry» qui sont paradoxalement mis en exergue dans un article sur la cause des femmes.

Les amateurs de sport en général et d’arts martiaux en particulier trouveront également leur compte, avec ce portrait consacré au légendaire Moncef Ouerghi. On apprendra notamment que l’homme qui a traversé les immenses étendues de l’Extrême-Orient à pieds, a fondé un nouvel art de combat. Et c’est sans doute l’un des tout premiers articles consacré dans un journal tunisien à Moncef Ouerghi, qui est visiblement sorti vainqueur de son combat ultime contre les geôliers et les tortionnaires de Ben Ali.

En attendant les «Jeunes Turcs»

Au final, Al Fajr est un hebdomadaire graphiquement plutôt bien emballé, qui voudrait visiblement refléter les options des «jeunes turcs» du parti, et pas nécessairement celles des caciques vieillissant qui squattent le petit écran. Les plus rigoristes seront d’ailleurs surpris par la quasi-absence d’articles consacrés à la religion islamique dans l’organe officiel d’Ennahdha. Une absence d’autant plus surprenante, que la plupart de nos quotidiens dits généralistes ouvrent leurs colonnes aux cheikhs et à leur bonne parole. Choix éditorial délibéré ? Peut-être.  Ajmi Lourimi, philosophe de son état, l’une des figures phares du mouvement, ne répète-il pas à qui veut l’entendre qu’Ennahdha est un parti politique et non un groupe religieux ?

Lotfi Ben Cheikh

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