Tunisie-Médias : “Un 7 novembre bis n’est pas très loin”

 

La censure morale, l’Etat à travers la cyber-police et le tribunal militaire ainsi que les multinationales, en l’occurrence, Microsoft sont les trois défis à affronter pour se débarrasser de la censure sur le net selon Dr Riadh Ferjani. A l’occasion de l’ouverture du TMG de l’IFEX, le chercheur et universitaire s’est indigné face à la contre-révolution médiatique.

ifex-280911“La rupture est absolument nécessaire. Neuf mois après la Révolution, le système médiatique liberticide est toujours là. Comment penser la rupture? Telle est la question actuelle et imminente” lance Dr Riadh Ferjani, maître-assistant à l’Université de Tunis- Manouba et chercheur au CARISM à l’Institut Français de Presse (IFP), Université Paris II. C’est à l’occasion de l’ouverture de l’atelier du Tunisia Monitoring Group (TMG) de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX), se tenant le 27 et 28 septembre à l’Hôtel International, au centre ville de Tunis. Riadh Ferjani a étayé, brièvement, sa vision du paysage médiatique actuel en Tunisie et ses défis en présence de divers représentants des certains organismes de la société civile tunisienne.

Urgence de lois transitoires

“Tout d’abord, il faudra séparer le court terme du long terme. Il devrait y avoir des lois transitoires. C’est une urgence.” relève-t-il. Après un rappel historique sur la règlementation de la presse en Tunisie, il alarme : “Aujourd’hui, un 7 novembre bis n’est pas très loin. Nous n’avons pas de garanties sur le futur. Nous ne savons pas si dans cinq ans un apprenti Ben Ali serait élu démocratiquement. Les forces contre-révolutionnaires sont toujours là. Et il faudrait mettre des balises pour leur rendre la tâche plus difficile”. Riadh Ferjani a cité au passage certaines pratiques héritées de l’ancien régime à l’instar des communiqués saluant les initiatives gouvernementales. Le chercheur et universitaire précise : “Les standards internationaux sont très importants mais il ne faudrait pas les appliquer comme des schémas dans une réalité aussi compliquée que celle de notre pays”.

Trois ateliers sont au programme du TMG de l’IFEX dont un se penche sur le nouveau cadre juridique et institutionnel pour les médias, l’état des lieux et les recommandations pour le développement de médias audiovisuels libres, indépendants et pluralistes. Il s’agit d’un workshop modéré par le Syndicat tunisien des radios libres (STRL), le Centre de Tunis pour la liberté de presse et l’AMARC. Des représentants du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) et de la WAN-IFRA modèrent le deuxième atelier étudiant l’état des lieux et les recommandations pour le développement d’une presse libre et indépendante. Quant au troisième atelier focalisant sur le démantèlement de la censure sur internet, il est modéré par Index on Censorship et l’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création (OLPEC). Cette organisation est représentée par Riadh Ferjani.

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Les trois défis de l’internet libre

En effet, le chercheur a dressé le portrait d’une réforme faisant face à trois challenges. “Le premier défi est la censure morale. J’entends par ceci, par exemple, le demande adressée à la justice par un groupe d’avocats appelant à censurer les sites pornographiques”. Dr Ferjani considère le rôle joué par l’Etat comme le deuxième défi à affronter afin de se débarrasser de la censure web. Il s’agit du rôle de l’Etat. “Sous Ben Ali, il y avait 600 cyber-policiers. Ce chiffre n’émane pas de moi. Les militants et les cyber-activistes les estiment à ce nombre. Que sont-ils devenus?” s’interroge le représentant de l’OLPEC. Et il rappelle l’ordre du tribunal militaire de censurer certaines pages sur Facebook en confiant à son audience qu’il a pris le soin d’inviter un représentant du corps militaire national.

Dr Ferjani a également mis en exergue le rôle des multinationales, en l’occurrence, Microsoft, en relevant que la firme de Bill Gates a contribué à la mise en place du système de censure établi par le régime de Ben Ali. “Ils ne vont pas s’en sortir sur des communiqués de presse établi sur la côte ouest des Etats Unis.” clame-t-il. Et le chercheur rappelle le prix spécial pour les nouvelles technologies décerné par Microsoft à Ben Ali, “un prix qui n’existe pas et qui a été créé spécialement pour lui”.

Cet atelier stratégique organisé par le TMG de l’IFEX a été précédé par un rapport rendu public le 16 juin à Tunis dans lequel il a formulé une série de recommandations auprès de l’Instance Nationale de la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC), du gouvernement et des organisations de la société civile. Le workshop qui sera clôturé, aujourd’hui, vise à publier des recommandations et élaborer des plans d’action pour la réforme des médias en Tunisie.

 

Thameur Mekki

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