Tunisie : Le front progressiste, vraiment une solution?

 

“Il faut s’unir. Il faut que toutes les forces progressistes s’unissent. Il faut former un front, une coalition, une union”. Les voix des “modernistes” s’élèvent sur les réseaux sociaux pour appeler encore une fois au rassemblement des troupes. Serait-ce le bon choix?

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Pourquoi faire? Pour “défendre un projet de société ouverte, tolérante et refusant les idées obscurantistes”. C’est la réponse redondante. Mais au fond, nous savons bien qu’il s’agit concrétement et bien loin des discours politiques, souvent démagogiques, d’un front anti-Nahdha. De son côté, ce mouvement islamiste, encore ivre de sa réussite aux élections de l’Assemblée Nationale Constituante, multiplie des déclarations qui se veulent rassurantes. Mais rien ne semble rassurer les formations politiques progressistes. Est-ce qu’il y aurait réellement des motifs d’inquiétudes ?

Inquiétudes  légitimes ?
Dans sa première interview accordée à Express Fm après le rendez-vous électoral, Rached Ghannouchi, leader historique et président d’Ennahdha, a affiché sa volonté de réviser le Code du Statut Personnel. Plus précisément, la loi ciblée par le leader nahdhaoui est celle portant sur l’adoption. Il voudrait la remplacer par la “kifala” [concept de l’adoption conforme à la Chariaa, NDLR]. Ghannouchi a également insisté sur le fait que la Tunisie a toujours été une république islamique. Hamadi Jebali, secrétaire général du même parti, a déclaré, avec fermeté sur la TV Nationale en septembre dernier que “le Mouvement d’Ennahdha ne halalisera pas ce qu’Allah a interdit et n’interdira pas ce qu’Allah a certifié halal”. Des déclarations et des prises de position qui ne contribueront donc pas à rasséréner les progressistes, qui représentent, bon an mal an, une bonne part du corps électoral tunisien.

La menace du bi-partisme
Et voilà qu’ils appellent que les chantres d’une vision progressiste pour la Tunisie appelle à l’unité. Les centristes affichés, les partisans de la gauche, et autres éternels hésitants balançant entre “Oui mais non. Bien au contraire”, veulent resserrer les rangs, et pourquoi pas, se rejoindre dans un front commun. Comme si l’union présumée pouvait constituer une potion magique, une garantie pour la pérennité des dits “acquis modernistes de la Tunisie”. L’expérience a déjà été faite par le Pôle Démocratique Moderniste (PDM). Et la formule a subi un échec retentissant. L’axe des valeurs modernistes s’est montré insuffisant pour séduire les électeurs.

L’identité politique et les références idéologiques semblent toujours constituer des éléments de poids  pour l’électorat tunisien. Les coalitions réunissant les spectres du paysage politique de droite, de gauche et du centre n’ont pas démontré leur bienfondé, encore moins leur aptitude à rassembler les électeurs. Faut-il donc continuer à creuser le même sillon en appelant de nouveau à un large rassemblement des troupes alors même que la manœuvre n’a pas vraiment donné les résultats escomptés ? Ou faudrait-il plutôt que les «progressistes» fassent leur autocritique ?

On relèvera que la défense des libertés individuelles et des droits de l’Homme est toujours possible sans pour autant chercher un consensus précaire. La concertation, et même une stratégie commune pourrait plutôt s’articuler autour de projets de lois précis. Or jusqu’ici, il semblerait plutôt que nos politiciens aient préféré foncer, tête baissée, dans un processus visant à favoriser le bipartisme en Tunisie. Avec d’un côté les hérauts de la «modernité», regardant en chiens de faïence, les forces conservatrices.
Ainsi, certains pays d’Europe à l’instar de l’Angleterre ou encore les Etats Unis d’Amérique finirait par nous vendre leur modèle de “démocratie” où l’offre politique se limite à des conservateurs et des démocrates. Un modèle dont la réussite est actuellement remise en doute. Il suffit d’observer les mouvements d’indignation occupant les places européennes et nord américaines et appelant, entre autres, à la révision de leur politique basé sur un système bi-partisan pour s’en rendre compte. Or si les en viennent à adopter ce modèle, notre menu politique serait nettement moins varié. Et l’appétit du citoyen serait coupé, prématurément, alors que l’on vient tout juste de se mettre à la table de la démocratie.

Thameur Mekki

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