Tunisie : Argot piquant au menu de Facebook et Twitter

 

Calomnies, locutions lubriques, mensonges, éloges et sottises de tout genre prolifèrent sur le web social. Les statuts et tweets en disent long sur l’état des lieux du «débat politique» en Tunisie. Deuxième partie d’une plongée dans l’oja linguistique post-révolutionnaire !

argot-facebook-tunisie-3101Voilà que des «bourgeois» endossent le costume de polichinelle, en affectant un langage populaire, en agissant de façon «chaabiya». Mais l’occasion est aussi très belle, pour que certains ne profitent pas de la situation pour induire en erreur ceux qu’ils ont intérêt à tromper. Ce n’est pas un hasard, que le mot «popularité», dans le sens qu’on lui connait aujourd’hui, est né avec la Révolution française. Il entend traduire une forme d’enthousiasme bruyant et passager de la masse, qui, à force d’ordonner dans les affaires de l’Etat, nous plonge dans l’ochlocratie*.

Ainsi se multiplient les nouvelles figures et les nouveaux mots. Zappons les expressions vulgaires, les injures, très présentes sur les réseaux sociaux et les blogs. Du français au dialecte tunisien, en passant par l’arabe littéraire, on est dans le pur produit tunisien, riche d’emprunts et de procédés ironiques : voulant éprouver le plaisir de la variété et du piquant des mots, apparus dans des tableaux inédits provoqués par des rumeurs, on trouve des traces écrites de tous les genres à la mode: calomnies, locutions lubriques, mensonges, éloges et sottises de tout genre. En bon héritier de la joie de vivre tunisienne, la gravité se plait à s’inventer un nouveau langage. On connait par cœur désormais les mots, liberté, dégage, sniper, dignité… on peut entendre sur les pavés et lire dans les réseaux sociaux, les propos des démagogues tournant autour des Droits de l’Homme. Les égos, leurs quotidiens, sous forme de statuts et de tweets sont également décryptés. Il suffit d’une rumeur, d’une annonce qui rappelle Ben Ali et le RCD pour que ces mots fassent pâlir tous les visages et rugir les voix. Chacun parle et opine dans le tumulte, créé par les colporteurs virtuels et réels, le patriotisme s’engage mais s’égare !

On gardera le souvenir, de notre retour sur Tunis en janvier 2011, cœur de la Révolution de la liberté et notamment celle de l’expression, non pas que le peuple se soit emparé des Droits de l’Homme, mais des droits du Carnaval. Il est clair que depuis le 14 janvier 2011 au soir, nous avons été témoins des pleurs, et des vrais sourires, de l’hypocrisie aussi, des rumeurs les plus fantaisistes et des actes de solidarité les plus spectaculaires au sens premier du terme, les rapacités et les guerres intestines des clans. Rappelez-vous Jerad, Ghannouchi et les autres, les nains de Ben Ali. Un carnaval ininterrompu régnait. Une allure de tragi-comédie absurde que certains se sont appropriés sournoisement. Un alphabet nouveau pour servir à l’intelligence des apôtres de Ben Ali : vraiment démocrate ? Patriote ? Ou rien de tout cela. Ces vrais démocrates sans masques se trouvent-ils parmi le peuple de la classe populaire longtemps occupant le rôle de marionnettes dans le gentil monde si parfait de Ben Ali? Bref, il apparaît à l’imagination que patriote veut dire citoyen populaire, et démocrate, citoyen de la classe aisée, puisqu’on examine la réalité sous un autre angle. Ce n’est plus maintenant qu’une affaire de mots : on donne à chaque nom le sens qu’on veut y donner, tout dépend du masque qu’on veut porter. Apres tout, derrière son loup, chacun fait et dit ce qui lui plait.

 

Haifa Kadhi

*C’est une forme de gouvernement dans lequel la masse a tous les pouvoirs et peut imposer tous ses désirs.

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