Poker Face…

 

« Il est vivement recommandé d’éviter les régions de Gafsa et de Sidi Bou Zid». Incroyable mais vrai ! Vous n’allez pas le croire, mais cette phrase figure bel et bien sur le site officiel de l’ambassade française à Tunis…

Cette information a été relevée dans la rubrique «Bienvenue en Tunisie» – «conseils aux voyageurs» : section « Sécurité ». Voir lien

tunisia-map-090312Pis encore, sur la même page Internet, la représentation diplomatique tricolore enchante ses visiteurs par une carte de la Tunisie atypique. On y trouve une Tunisie partagée en trois zones teintées en trois couleurs : le rouge (formellement déconseillé, autrement dit, strictement interdit aux ressortissants français) qui tapisse tout le sud tunisien à l’exception des villes touristiques (Tozeur, Kébili Douz, Matmata, et Tataouine), l’oranger (déconseillé sauf raison impérative) englobant les bastions du printemps arabe (La moitié du gouvernorat de Sidi Bou Zid , Kasserine, Gafsa) et le jaune (vigilance normale doit être observée dans la zone) sur les zones côtières du pays y compris Tunis et Kairouan qui incarnent l’emblème de l’activité touristique sous nos cieux. Bref, une véritable ghettoïsation de notre patrie où on ne parle plus d’une Tunisie à deux vitesses mais plutôt à trois vitesses.

Et on se pose les questions suivantes : comment Paris envisage-t-il d’aider la nouvelle Tunisie et surtout les régions de l’intérieur? Est-ce qu’avec de telles recommandations, les hommes d’affaires français vont se ruer vers ces régions assoiffées de développement et surtout d’investissements ? A quoi bon octroyer des lignes de crédits pour aider ces villes à rattraper leur retard de 55 ans, tandis que cette carte comme par hasard, favorise toujours les régions déjà favorisées ? Voilà une hypocrisie ad nauseam et qui nous rappelle étrangement celle d’un poker menteur !

Toujours dans le même site, on peut lire aussi : « Aucun pays au monde ne peut être considéré comme étant à l’abri du risque terroriste. Même si elle est relativement sûre, la Tunisie, plus particulièrement dans son contexte régional, n’échappe pas à cette règle. ». Certes la France a le droit de protéger ses ressortissants aux quatre coins du globe et de veiller sur leur sécurité, mais pas au point de découper le territoire tunisien en trois zones aux couleurs du feu.

Aux dernières nouvelles, depuis la chute du régime bénaliste, nous n’avons jamais entendu parler de ressortissants étrangers kidnappés dans nos contrées par des groupes terroristes. Le seul et unique enlèvement de touristes étrangers sur le territoire tunisien remonte à plus de 4 ans (mi-février 2008 quand le kidnapping de deux touristes autrichiens a été revendiqué dans un enregistrement sonore attribué à l’AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique) et diffusé par la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera). D’ailleurs, selon l’avis des experts en terrorisme, l’AQMI qui est le digne héritier du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat)dans la région, a toujours opéré loin de nos frontières et plus précisément dans la région désertique du Sahel qui s’étend des régions semi-arides du Sénégal jusqu’à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Alors pourquoi tout cet excès de zèle ?

Assurément, la France qui n’a rien vu venir, un certain 14 janvier 2011, comme en atteste son ancien ambassadeur de l’époque Pierre Ménat, limogé suite à son fameux câble « Ben Ali contrôle la situation » (envoyé quelques heures avant la chute du régime – Ndlr), nous laisse croire que son Quai d’Orsay et sa représentation de Tunis, sont de loin des « As » dans la diplomatie « multi looks » à l’image de « Lady Gaga » pour ne pas dire « Poker Face ».

 

Abdel Aziz HALI

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