Tunisie: la journée nationale pour la liberté d’Internet divise la toile

 

Moncef Marzouki a décidé de décréter le 13 mars journée nationale pour la liberté d’Internet, en hommage à Zouhaier Yahyaoui, cyber-dissident tunisien décédé le 13 mars 2005. Blogueurs et cyber-activistes ont été invités au palais présidentiel pour commémorer cette journée, mais l’initiative ne fait pas l’unanimité.

13mars-internet-130312Fondateur du site TUNeZINE, sur lequel il dénonçait les dérives du régime Ben Ali et du clan Trabelsi sous le pseudonyme d’Ettounsi, Zouhaier Yahyaoui a été arrêté en juin 2002, après avoir publié sur son site la lettre ouverte de son oncle, le juge Mokhtar Yahyaoui sur l’indépendance de la magistrature en Tunisie. Emprisonné durant près d’un an et demi, il a été libéré en novembre 2003 après une grande campagne internationale de soutien. Mais très affaibli à cause de la torture qu’il a subie et des grèves de la faim qu’il a suivies durant son incarcération, Zouhaier Yahyaoui s’est éteint le 13 mars 2005. Lui rendre hommage est donc aujourd’hui, la moindre des choses.

Pour ce faire, la cellule de communication de la Présidence de la République, qui compte parmi ses rangs le blogueur Wissem Tlili, alias Le gouverneur de Normalland , devenu conseiller de Moncef Marzouki après s’être engagé dans le CPR, a cru bon d’inviter les blogueurs pour commémorer cette journée. Mais l’initiative qui vient un an après la chute de Ben Ali divise les blogueurs entre ceux qui la soutiennent et ceux qui n’apprécient pas la récupération politique et ont décidé de décliner l’invitation.

« Zouhair Yahyaoui a donné sa vie pour que moi, je puisse naviguer sur le net et m’exprimer sur la toile en toute liberté, lui consacrer une journée n’est que justice rendue !! Mais la façon dont cet événement a été récupéré par la présidence de la République m’écœure !!» écrit Jasmin, alias Faten Abdelkafi, dans une tribune publiée sur le site Webdo et titrée : Non Mr Marzouki, je suis blogueuse et je le reste !

De son côté, Sofiane Chourabi, journaliste et blogueur, a affirmé qu’il serait présent à Carthage. Dans un billet, rédigé en arabe, et intitulé Pourquoi il est important de participer à la journée de la liberté d’Internet, Chourabi explique sa décision par son refus de la politique de la chaise vide. «Si tous les citoyens sont obligés de composer avec les institutions constitutionnelles et politiques dans le traitement des affaires publiques, l’option de la rupture, qui est une forme de protestation politique en l’absence de la reconnaissance des institutions politiques et constitutionnelles, et d’offrir une alternative réalisable et exécutable (ce qui n’est pas notre cas actuellement). Il est donc inévitable de communiquer sa position – quelle qu’elle soit – à ces institutions politiques et constitutionnelles.» affirme-t-il.

L’invitation pour la célébration de la Journée nationale de la liberté d’Internet au palais présidentiel de Carthage n’a pas été adressée uniquement aux blogueurs et cyber-activistes. Les administrateurs de quelques pages Facebook feraient également de la partie. Ce qui nous ramène à se demander si cette journée n’est pas une manière détournée de soigner l’image Moncef Marzouki sur la toile. Ce dernier étant devenu la muse des «blagueurs», source d’inspiration des caricaturistes et personnage incontournable des mèmes sur le net tunisien.

Paradoxalement, la journée qui devait rassembler tous les blogueurs et défenseurs de la liberté d’Internet en Tunisie a créé la polémique. Sur les deux principaux réseaux sociaux Twitter et Facebook, les débats autour du pourquoi et du comment de cette journée et cette initiative s’enflamment. Il faut dire que si tout le monde est unanime sur le fond de la célébration de cette journée, la forme agace.

 

S.B.H

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