Tunisie : Le ministère de l’Intérieur, vers une guerre des images?

 

Samedi 14 avril, à la cité Al Mellaha à Radès, ce qui devait être une manifestation de chômeurs, s’est transformée en affrontements avec la police. Lundi 16 avril, le ministère de l’Intérieur propose une autre lecture des évènements sur sa page Facebook.

Il n’y avait pas de médias sur place pour reporter ce qui s’est réellement passé. Les premières images parviennent de deux vidéos publiées par la radio Kalima, sur sa page Facebook. Les gens de la cité Al Mellahla témoignent de ce qui leur est arrivé : «On nous a envahies chez nous, nous étions seules et sans défense » disent les femmes en larmes. Bombes lacrymogène à l’intérieur des maisons, portes défoncées, fenêtres cassées, habitations saccagées, une situation de chaos dans le quartier. Les habitants de la Cité Al Mellaha accusent la police de les avoir violemment agressés chez eux, alors que le sit-in était «sur la grande route» selon l’un des témoins sur la vidéo.

L’indignation de la société civile ne s’est pas fait tarder. La police tunisienne, qui venait de démontrer lors de la manifestation du 9 avril à Tunis, qu’elle était prête à réprimer toute manifestation pacifique, aurait fait pire à Radès en s’attaquant aux gens chez eux. Le problème, c’est que peu d’informations circulent sur ces incidents. Les médias avaient brillé par leur absence. Et quand Maya Jribi, secrétaire générale du Parti Républicain, et élue à l’assemblée nationale constituante (Ben Arous), s’est déplacé sur les lieux, le lendemain, pour vérifier ce qui se passe dans sa région, elle a été agressée verbalement par certaines personnes, sous les yeux de la police qui n’intervient pas. La vidéo de son agression publiée aussitôt sur Facebook fait le tour du net tunisien.

Lundi 16 avril, le ministère de l’Intérieur contre-attaque…. sur sa page Facebook. D’abord avec un communiqué, revenant sur les évènements. Le ministère précise que «suite à l’annonce des résultats de recrutement à la Société Tunisienne d’Acconnage et de Manutention (STAM), un groupe a délibérément coupé la route qui mène vers le port de Radès vendredi 13 avril au soir, et malgré le dialogue entamé avec les autorités régionales toute la nuit, la route est demeurée coupée jusqu’au lendemain.» Le communiqué rajoute que de graves exactions ont été commises samedi, ce qui a nécessité l’intervention de la police pour ouvrir la route.

Le communiqué du ministère de l’intérieur accusant les manifestants était assez attendu par des Tunisiens, désormais habitués à avoir deux versions contradictoires des faits : celle des citoyens et celle de la police. Mais cette fois, le ministère surprend en publiant 27 photos et une vidéo de 14mn35 du quartier Al Mellaha, montrant une autre facette des évènements : gestes obscènes et jet de pierres de la part des manifestants, visiblement très jeunes face à des policiers disciplinés et obéissants aux ordres : «Ne frappez pas, pas d’utilisation de la matraque, il faut juste les attraper.». Une photo montrant où un policier dans un geste d’affection avec une vieille dame. Il n’en fallait pas plus pour voir des internautes soutenir, via les commentaires, le travail des forces de l’ordre et condamner les « jeunes bandits d’al Melaha ».

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Les responsables du ministère de l’Intérieur, fustigés pour la répression du 9 avril, pensent-t-ils justifier la violence policière par ces photos ? En tout cas, ce travail dénote la nouvelle stratégie du ministère de l’intérieur. Désormais, c’est la police qui filme et prend des photos pour sa défense. Une guerre des images est-elle sur le point d’être lancée ?

 

S.B.H

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