Tunisie : Le Pouvoir et la lutte contre les médias publics

 

Les médias constituent un des secteurs à réformer dans la Tunisie post-révolutionnaire, mais la télévision nationale est-elle devenue le mal absolu du pays ? C’est ce que Ennahdha, à la tête de la coalition gouvernementale tripartite, semble vouloir faire croire. Le parti ne cesse de multiplier les déclarations à l’encontre de la télévision nationale, qu’il demande désormais de privatiser.

medias-250412Début avril, Hamadi Jebali, premier ministre et Secrétaire général d’Ennahdha, affirme aux patrons de la presse dans une déclaration rapportée par WMC : «Je m’interroge en quoi l’Etat devrait avoir besoin de posséder ses propres médias». Le 18 avril, et dans une interview accordée aux quotidiens qataris «Al-sharq» et omanais «Oman», le Président du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi affirme que la direction de son parti, envisage de prendre des mesures radicales dans le domaine de l’information dont éventuellement, la privatisation des médias publics. Le lendemain et lors d’un débat télévisé sur la Watania1,c’est au tour d’Ameur Laaryadh, élu à l’assemblée nationale constituante et membre du bureau politique d’Ennahdha, d’évoquer l’idée de céder la télévision nationale au capital privé.Il n’en fallait pas plus pour que les sit-inneurs qui campent devant le siège de la télévision nationale depuis plus de 50 jours, et dont on soupçonne l’appartenance ou la proximité au parti Ennahdha, ne passent des revendications d’«épuration» et d’«assainissement» de la télévision nationale aux slogans de «Télévision à vendre».

Ces sit-inneurs n’ont pas cessé de dénigrer les employés de la télévision nationale, en leur collant l’étiquette de «RCDistes» pour justifier leur acharnement. Pourtant, le PDG de la télévision nationale, Adnene Khdher, a été nommé par Hamadi Jebali en janvier et s’est vu accorder le rang de Secrétaire d’Etat début avril. En mars, Said Khezami, un ancien d’Al Jazeera a été nommé Rédacteur en chef du journal télévisé. Ce dernier, et dans une vidéo postée mercredi 24 avril sur Facebook, admet qu’il existe «beaucoup de pression sur les journalistes, la télévision nationale en particulier et le journal télévisé de 20h essentiellement» et ajoute : «Pour être clair et franc, quelques personnes dont des ministres me contactent et me demandent de s’étendre sur certains sujets…j’ai toujours refusé de céder.». Khezami précise qu’il tient à garder son professionnalisme et sa neutralité. «C’est ma responsabilité», assure-t-il.

A voir ses pratiques, le pouvoir cherche à contrôler les médias publics. Après la nomination par Hamadi Jebali, d’ex-propagandistes de Ben Ali à la tête des certains médias publics, l’acharnement permanent contre la télévision nationale, les pressions dont parle Said Khezami, on apprend mardi 24 avril, que Habib Belaid, directeur de la Radio Nationale a été remercié et remplacé par Mohamed El Meddeb, qui serait un simple technicien. Belaid n’a même pas été informé et apprend sa mise à l’écart par son chauffeur.

Réformer les médias, oui mais comment ? Il semble que pour Ennahdha, la réforme des médias passe par la privatisation et libéralisation du service public. Du moins, c’est ce que le parti veut faire croire. Le marché contre l’Etat. La libéralisation pour le contrôle. Faut-il encore rappeler qu’un média public devrait pouvoir se définir en termes fonctionnels et non répondre aux divers intérêts, corporatistes ou politiques.

 

S.B.H

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