Tunisie : Le rapport de l’INRIC dresse un lourd bilan du secteur de l’information

 

Le 30 avril, l’INRIC a rendu son rapport sur le secteur des médias. Code de conduite, règles déontologiques, critères d’admission à l’IPSI, le diagnostic est sans appel.

inric_kamel-labidi_020512L’INRIC a rendu son rapport. Après l’avoir remis au Premier ministre Hamadi Jebali tôt dans la matinée du 30 avril, l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication a présenté ses résultats devant un parterre de journalistes réunis au Palais des Congrès.

«L’espoir de l’instance est de voir son rapport sérieusement examiné par toutes les parties appelées à travailler sur la réforme du secteur et prêtes à ouvrir une nouvelle page au titre de la liberté et de l’émancipation de toute tutelle», a déclaré Kamel Laâbidi, président de l’Instance. Autour de lui, des membres de l’INRIC étaient présents mais aussi Yadh Ben Achour, ex-président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

Pendant plus d’une année, l’Instance a rencontré des journalistes tunisiens et étrangers, des attachés de presse, s’est inspirée des expériences de la Pologne ou de l’Afrique du Sud qui ont vécu une telle transition politique, mais aussi des expériences françaises, anglaises, belges. La BBC, le CSA français, le CSA Belge, l’UNESCO… nombreuses sont les organisations à avoir soutenu l’élaboration de ce rapport malgré les difficultés.

Et le diagnostic de ce document de 368 pages est sans appel. «Aucun secteur n’a été épargné par cette politique (celle de Ben Ali, ndlr) de dépréciation systématique et organisée», note le rapport. «Absence totale de cadre légal et juridique capable de réorganiser le secteur», «maintien du système de propagande», «déficit flagrant de professionnalisme chez les journalistes», «attentisme et hésitation des nouveaux gouvernants», sont quelques-unes des observations de l’INRIC. Le rapport fait aussi état «d’un code de la presse de 1975 qui est resté un texte excessivement répressif» et revient notamment sur les décrets-lois 115 et 116, adoptés en novembre 2011, alors même qu’ils étaient au centre des discussions de la Consultation nationale autour de la réforme de l’information lancée vendredi 27 avril à la suite des tensions autour de la télévision nationale. Consultation à laquelle ni l’INRIC ni le Syndicat national des journalistes n’ont participé.

«Absence totale de code de conduite et de règles déontologiques»

Les dix chapitres et les plus de 50 recommandations émises par l’Instance couvrent tous les secteurs, de l’agence TAP, aux entreprises de presse écrite, audiovisuelle, en passant par les établissements de formation, que ce soit l’IPSI ou le CAPJC (formation en continue).

Mais ce rapport souligne aussi les faiblesses en matière de législation concernant les médias en ligne et l’information régionale. Dans le premier cas, les rapporteurs de Kamel Laâbidi, ont mis en exergue «le vide juridique», notant la «prolifération anarchique des journaux électroniques, des moyens frauduleux et astucieux utilisés par certains sites électroniques pour attirer la publicité et l’absence totale de codes de conduite et de règles déontologiques». Dans le second cas, le rapport montre que «ce volet n’a jamais bénéficié de l’attention et de l’importance qu’il mérite», qualifiant l’information régionale de «parent pauvre du secteur de l’information». Quelques propositions sont toutefois avancées, comme l’élaboration d’une étude approfondie sur la situation de la presse régionale pour identifier aussi bien ses spécificités que ses besoins, mais aussi «accorder la priorité dans le recrutement des correspondants régionaux aux diplômés de l’IPSI et de l’université en général». Une manière de renforcer les rangs des journalistes en région.

Revoir les critères d’admission à l’IPSI

Quelques points positifs ont toutefois été soulignés. Pour les rapporteurs de Kamel Laâbidi, président de l’INRIC, «le changement le plus significatif dans le paysage médiatique post-révolutionnaire s’est opéré, incontestablement, au niveau du secteur de l’audiovisuel». La multiplication des titres de presse écrite est aussi un signe de vitalité. Près de 228 titres de ont obtenu l’autorisation de paraître en 2011, mais «les publications paraissant actuellement sont nettement en-deçà de ce chiffre», nuance le rapport, notant notamment que «ces nouvelles publications sont, en grande majorité, des tabloïds à sensation, à vocation populiste qui versent dans la surenchère politique et servent de tribunes aux règlements de compte personnels, en violation flagrante des règles les plus élémentaires de la déontologie journalistique».

Pour rectifier ces pratiques, la formation des journalistes est au cœur des recommandations de ce rapport. Et la première proposée est celle de la révision des critères et des règles d’admission à l’IPSI. Exit le système d’orientation automatique, l’INRIC préconise un concours d’entrée pour évaluer la culture générale du candidat mais aussi ses compétences linguistiques et son aptitude à exercer dans le secteur de l’information.

 

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