Malek Khadraoui: «La vraie révolution en Tunisie, c’est de changer les mentalités et les valeurs»

 

Internet et le rôle des médias sociaux dans les révolutions arabes est un sujet qui divise. Toutefois, les nouveaux médias annoncent le début d’une nouvelle ère marquée par une nouvelle pratique journalistique. Blogueurs et journalistes en débattaient lors de la journée mondiale de la liberté de la presse.

«Journalisme et démocratie 2.0 : nouveaux acteurs et nouvelles attentes», était le thème d’une table ronde organisée par CFI (Canal France International) lors de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse à Tunis. Modéré par Ziad Maalouf, journaliste chez RFI, le panel était composé de Malek Khadraoui, Rédacteur en chef de «Nawaat», Wael Abbas, journaliste et blogueur égyptien, Cheik Fall, journaliste indépendant sénégalais, Miranda Patrucic, investigateur principal du projet «Investigate Dashboard en Bosnie-Herzégovine» et Rafika Bendermel blogueuse sur le «Bondy Blog Lyon » et «Bondy Blog Tunisie».

«Y’a aucun doute sur le caractère révolutionnaire d’Internet» soutient Ziad Maalouf dans son introduction. Une affirmation quelque peu nuancée par Malek Khadraoui lors de son intervention : «Ce qui s’est passé en Tunisie n’aurait pas été possible, si des gens n’étaient pas dans la rue. Toutes les informations qu’on avait, ce sont des gens qui les ramenaient. On dit qu’il n’y a pas de leaders mais y’avait des leaders locaux et des syndicalistes qui menaient les manifestations. Il faut arrêter de parler des blogueurs, du rôle de Twitter et de Facebook».

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La célèbre blogueur égyptien Wael Abbas revient, lui, sur ses débuts sur la toile : «Internet est entré en Égypte au milieu des années 1990. Le contenu était limité et pas ouvert à tout le monde. On l’utilisait essentiellement pour les recherches universitaires. En 1998, j’ai commencé à y accéder régulièrement. Je pense qu’à l’époque, les autorités de nos pays, ne pensaient pas qu’internet pouvait avoir un usage politique.» Wael Abbas reconnaît la liberté que permettait Internet. «Y’a des sujets tabous en Egypte comme la politique ou la sexualité. On en parlait sur les forums.» Mais pour lui, la vraie révolution d’Internet a commencé avec les blogs lors du déclenchement de la guerre en Irak, en 2003.»

Pour le sénégalais Cheik Fall, initiateur du projet Sunu2012 (Notre 2012, ndlr) Internet a un rôle informatif et mobilisateur. «Je parle de soft révolution. La soft révolution, c’est la révolution par les urnes. Pour rompre avec le système pyramidal, il fallait prendre la parole. C’est aux sénégalais de changer le régime.» La plateforme Sunu 2012 a permis de mobiliser les blogueurs sénégalais «Nous avons utilisé les réseaux sociaux pour sensibiliser les gens, renverser Wade démocratiquement et dire au nouveau Président, vous êtes élu par un peuple et une nation qui a des attentes.»

Pour Malek Khadraoui, qui a rejoint le blog collaboratif tunisien Nawaat quelques mois après son lancement en 2004, Nawaat est venu en appui à d’autres projets. «Dès la fin des années 1990 débuts des années 2000, il y avait quelques projets novateurs comme Tunezine, Takriz et Réveil Tunisien. Nawaat est venu sur les traces de ces expériences et en apportait un complément».

L’objectif de Nawaat était (et est toujours) de donner la parole à tout le monde. «Les islamistes étaient en prison. La gauche était réprimée pour son soutien à la liberté des islamistes » se souvient Malek Khadraoui. «En 2008, les évènements du bassin minier ont démontré que tout le monde n’est pas résigné face à l’inégalité sociale et la misère. Les rares journalistes qui ont couvert ce qui se passait à Redeyef ont payé cher à l’image de Fahem Boukadous et les journalistes de la Chaine Al Hiwar.» Malek rappelle qu’à l’époque, les Tunisiens apprenaient ce qui se passait dans leur pays par des gens à l’étranger.

Interrogé sur la révolution tunisienne, le rédacteur en Chef de Nawaat relativise : «Ce n’est pas une révolution mais un processus révolutionnaire » et souligne: «La vraie révolution qu’on essaie de mener, c’est une révolution des mentalités et de génération. La vraie révolution en Tunisie, c’est de changer les mentalités et les valeurs» et d’ajouter : «Je pense qu’en Tunisie, ceux qui ont vraiment voulu la révolution doivent se compter par milliers. Je ne pense pas que tout le pays voulait ce changement radical.»

Comparant Ennahdha au RCD, Malek Khadraoui n’épargne pas les autres partis politiques «On parle toujours du danger islamiste, il existe car l’approche est totalitaire, mais le danger existe dans tous les partis.» affirmant en conclusion, que la jeunesse est condamnée à la vigilance.

 

S.B.H

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