La Tunisie voit rouge mais pas vert

 

Troubles sociaux, inertie apparente des pouvoirs publics… La Tunisie voit rouge. Tous ces points noirs qui minent la Tunisie et le moral des Tunisiens ont presque réussi à occulter un enjeu, vert, qui nous dépasse et qui est pourtant l’affaire de tous : où en est la problématique environnementale en Tunisie ?

forum-citoyen-190612Cette question, primordiale s’il en est, à l’heure où certains ne donnent que 5 ans aux habitants de la planète pour contingenter l’inéluctable réchauffement de la Terre, a été débattue lors du forum citoyen pour l’environnement, le 13 juin à Tunis.

«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas», cette sortie du président Chirac en 2002 image parfaitement l’inconscience régnant sur les choix gouvernementaux et imprégnée dans les mentalités tunisiennes sous Ben Ali, et encore à l’heure actuelle. Des irréductibles s’élèvent pourtant contre cette ineptie.

« E7mi » (protège) est le mot d’ordre qui les a rassemblés. Ils ? Ce sont le Groupe éco-constitution et le Réseau Associatif pour la Nature et le Développement en Tunisie (Randet). Le ‘hamza’ de la première lettre est écrit avec un 3, pour symboliser les trois propositions pour lesquelles ils s’activent afin que le droit à un développement durable soit garanti par la constitution (Insertion d’un article dans son préambule, de deux articles dans le chapitre des droits et libertés fondamentaux, et la création d’un conseil supérieur du développement durable).

Situation environnementale proche du point de rupture

Mais au-delà de ses visées citoyennes, l’état des lieux que nous a dressé Samir Meddeb, expert des questions environnementales, est alarmant. Récapitulons brièvement. La situation géographique de la Tunisie, pays semi-aride, conjuguée à la variabilité du climat, prodigue des ressources limitées (eau, sol, forêts, parcours et biodiversité) et inégalement réparties sur le territoire national.

La recherche de l’intérêt économique et social, dans des secteurs-clés -tels l’agriculture et la pêche, l’industrie et le tourisme, les transports et le bâtiment-, au détriment des impératifs de l’environnement et des limites du capital naturel a été essentiellement matérialisée par une surexploitation des ressources naturelles, une pollution de plusieurs milieux continentaux et marins, une littoralisation intense du pays et une qualité de vie en milieu urbain souvent insatisfaisante.

Aggravée depuis le 14 Janvier 2011

De façon générale, M. Meddeb rapporte «la prolifération des constructions anarchiques, l’occupation incontrôlée du domaine public maritime, un saccage et une détérioration de parcs et d’aires protégées, une exploitation abusive des ressources naturelles, une gestion inappropriée des déchets ménagers, industriels et spéciaux et des défaillances au niveau du traitement des eaux usées urbaines (particulièrement industrielles)».

Tour à tour, les acteurs de la société civile montent à la tribune (profitant d’une toute neuve liberté d’expression) et parachève ce bilan, bien loin d’être vert. Retenons 3 dénonciations majeures, même si de portée différente. La première ? Le laxisme, voire la complicité, face à l’organisation de chasses illégales sur des espèces protégées pour le compte de dignitaires qataris, koweïtien ou saoudien, dans le Sud tunisien.

La seconde prend des airs bien, et si douloureusement, connus : le mégaprojet touristique (immobilier ?) du Cap Blanc projette de s’étendre sur 200 hectares de dunes et de forêt dans une zone naturelle très fragile et théoriquement protégée, et est pour l’instant approuvé par les élus locaux, «totalement irresponsables de cautionner ce saccage de l’environnement» et l’administration «au mépris des lois existantes» dixit l’association de protection et de sauvegarde du littoral de Bizerte.

La dernière dénonciation que nous avons retenue concerne l’état sanitaire (cas de cancers, stérilité, en hausse) et des milieux naturels dans la région de Gabès. La responsabilité/complicité du Groupe Chimique Tunisien a été décriée.

Tout reste à faire, maintenant !

Fruit du cannibalisme de l’ancien clan au pouvoir, du laxisme actuel, et des approches sectorielles (Banque mondiale, etc.), la situation environnementale actuelle pourrait être contenue par l’engagement de chacun, la fédération des efforts de la société civile (en cours), et une stratégie gouvernementale absolument verte. Sur ce dernier point, un fondateur du groupe éco-constitution nous dira catégoriquement « la politique du ministère de l’Environnement en termes de stratégie ? Nulle ! ».

A l’heure où le Sommet des peuples, précédant le Sommet de la Terre RIO+20, a débuté, regarderons-nous notre maison brûlée en restant cois ? Notre pays, notre planète se consumeront-ils avec le réchauffement climatique sans que nous ayons vu rouge, pardon vert, à temps ?

 

Léna C.

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