En marge des JCC: Balade cinématographique que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre

En marge des JCC, je me propose de vous emmener dans des lieux que “les moins de vingt ans” ne peuvent pas connaitre.

Si comme moi vous avez vu votre premier Bruce Lee au ‘Capitole’, si vous avez été ébahi devant la beauté d’Edwige Fenech au ‘Rio’ ou que vous avez eu votre premier rendez-vous à ‘l’Africa’, alors venez me rejoindre dans cette petite « balade souvenirs » dans les salles du cinéma de Tunisie d’antan…

Les Journées Cinématographiques de Carthage, c est la fête du cinéma en Tunisie. Une célébration qui n’aurait jamais pu être possible sans les différents temples du grand écran, ou du moins ce qu’il en reste, dispersés ici et là dans le centre de la ville de Tunis.

Il est loin ce temps où les salles du cinéma étaient l’endroit où une majorité de tunisiens passaient les après-midi du samedi entre première et deuxième matinée. Aujourd’hui, quelques salles ont disparu, d’autres ont été transformées et celles qui existent encore ont la vie dure. “L’ouverture économique” et ses corollaires d’urbanisme galopant, la recherche du profit et le piratage à outrance ont fini par avoir la peau du Septième Art (au sens propre et figuré).

Alors, profitant des JCC, l’espace de quelques lignes et la nostalgie aidant, je me propose de revenir sur ces endroits mythiques qui ont fait mon bonheur d’adolescent.

Je ne sais pas si c’est dû au socialisme ambiant de l’époque, mais les salles du cinéma respectaient scrupuleusement le principe de la spécialisation où chacune avait son créneau. Un cas d’école de ce que les économistes pourraient designer comme une forme “d’entente”.

Notre ballade commence par longer la rive gauche de l’avenu Habib Bourguiba direction la station TGM. En dépassant le mythique café de Paris et en face du kiosque de bouquins juxtaposant les fleuristes occupés à décorer les voitures pour les mariages du soir, on atterrit devant trois salles presque collées les unes aux autres.

‘Le Capitole’. Une salle connue pour ses films d’action avec des affiches où trônaient soit le Bazuka et les mecs au corps bodybuildés, soit des postures plus “artistiques” des films du Kung-Fu. Néanmoins, les tenants du lieu ont eu leurs moments de visionnaires, puisque certains films sont devenus de véritables cultes. Je pense plus particulièrement à ceux de Bruce Lee ou de Rambo dans son premier volet.

A quelques mètres du Capitole se trouvait ‘Le Palace’. Le Taj Mahal du cinéma indien. Un véritable temple du “Bollywoodisme” où Amitabh Bachchan et Rekha étaient les Shiva et Ganesh tant leur règne fut sans partage.

Laissant Le Palace et toujours dans la même direction, on s’arrête devant le ‘Studio 38‘. La salle la moins chère de la place (200 millimes le billet). En fait, ce n’est pas une salle, c’est une prison. Plus infâme que ça tu meurs. Il y règne une ambiance pesante et tout le monde est sur ses gardes. On a l’impression que ça va barder d’une minute à l’autre. Quel genre du film y était projeté? Sincèrement, je pense que l’assistance cherchait plus le noir que l’écran (si vous voyez ce que je veux dire).

En tournant à droite, vers la rue Ibn Khaldoun et avant d’arriver au niveau du ‘Cinéma ABC’, faisons un petit crochet par la petite ruelle à droite pour retrouver ‘Les Champs Elysées’ (si ma mémoire est bonne!) qui offrait la projection de deux films pour le prix d’un. Généralement, du cinéma “Série Z” avec un soap indien et son pareil égyptien.

Quand on retrouve la rue Ibn Khaldoun et après quelques mètres, on arrive pile-poil devant la ‘salle ABC’ et son cinéma égyptien. Ce que je trouvais sympathique avec cette salle est le fait qu’elle avait toujours des affiches superbement peintes. Elle est tout à fait respectable et bien fréquentée, notamment par tous ceux qui adorent les Nour Cherif, Yossra et Ferid Chawki et qui finissent toujours par verser une larme quand l’amour triomphe de la lutte des classes.

Juste à côté de l’ABC se trouvait “Le 7eme art “ (l’actuel Mondial). C’est une salle un peu bâtarde. Je n’ai jamais compris la spécialité. C’est peut être ceci son truc est qu’elle soit la salle “fourre-tout” de la place.

Quittant le “7eme art” et en prenant juste à gauche vers la rue de Serbie, laissant les joueurs du tiercé bâtir des châteaux de sable, on tombe sur “Le Rio “. Il est incontestablement le sanctuaire du cinéma érotique par excellence. La silhouette d’Edwige Fenech, ses formes sculptées, son sourire “jocondien” et son regard faussement innocent ne vous laisse pas de marbre! Quand on a 14 ans, ça marque !!!

De la rue de Serbie, on prend à droite pour longer la rue 18 janvier qui au bout devra nous emmener vers le cinéma “L’Africa”. Là c’est du “lourd”. Une salle à la hauteur de l’hôtel qui porte le même nom. La plus chère avec un billet de 1,200 dinar. Un choix de films qui se base sur le box-office contrastant ainsi avec le cinéma “Série B” des autres salles.

Traversant l’avenue Habib Bourguiba vers sa rive droite, on se retrouve devant une salle dont j’ai oublié le nom et qui a disparue depuis et je continue ma route direction le Port de France pour arriver devant “Le Colisée” qui constitue le clou de notre petite promenade. La meilleure salle du cinéma sans aucun doute avec ces deux étages, ses fauteuils confortables et son grand écran. Il n’est pas étonnant que cette salle fut celle des cérémonies tels que le JCC, le JTC, etc. Il y avait aussi un bon choix de films, mais la crise économique oblige, la salle a préféré faire du trottoir et poursuivre une carrière à la “M6 du dimanche soir”.

La mémoire me trahit et j’ai peut-être oublié quelques autres endroits. “Le cinéma de Paris” Tiens!! C’est vrai que le souvenir est lointain. Ce temps où au lieu des bandes-annonces, on se contentait de quelques clichés murés devant les salles pour imaginer le film. Disparue aussi la placeuse et sa petite torche et son panier de glace (Gervais Esquimaux). Parti aussi ces moments où dans les salles s’échangeaient les premiers baisers et naissaient les premiers amours. (Je peux comprendre que la jeunesse d’aujourd’hui trouve dans ce que je raconte un air de “science-fiction”).

Comment nous en sommes arrivés là?! Je ne pense pas que le piratage y soit l’unique responsable.

Il en est une cause certes, mais le premier responsable reste notre rapport à la culture. Partout en Europe, les salles du cinéma ont survécus au boom numérique, même les petites qui ne projettent que les films d’auteur. Chez nous, la culture était et reste très élitiste.

Les salles du cinéma n’ont pas essayé de populariser le septième art. Leur recherche du profit immédiat a fini par cultiver un goût au cinéma pas cher et rapidement accessible. Ainsi, quand le film est ne coûtait plus qu’un dinar sur CD rom, les salles n’avaient plus d’autre choix que de mettre la clé sous le paillasson.

Alors peut-être, s’ils avaient une conception plus “Cinéma” que “Salle”, aujourd’hui, on aurait eu plus de cinéphiles et forcément plus de sous et que non seulement les salles auraient survécus mais il y aurait eu plein d’autres.

Peut-être…, mais ça on le saura jamais.

Par Hakim Trawli

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