La pièce “Mère des pays” fruit de la collaboration entre le grand écrivain Ezzeddine Madani et le metteur en scène Hafez Khalifa a été présentée dans le cadre du Festival International de Hammamet 2025 au public le 16 juillet.
Cette troisième collaboration en arabe littéraire entre les deux artistes, après « Lettres de la liberté » et « Aziza Othmana » transporte les spectateurs dans l’époque du XIIIe siècle, au temps de la dynastie hafside. L’histoire met en lumière Abou Zakariya al-Hafsi, fondateur d’un État dont la Tunisie fut la terre d’accueil, de justice et d’innovation.
Le spectacle réunit des comédiens chevronnés comme Mohamed Tawfik El Khalfaoui, Aziza Boulabiar ou Jalel Eddine Saadi, ainsi qu’une nouvelle génération d’acteurs prometteurs.
Le texte de Madani comptait à la base 120 personnages à la base mais le travail d’adaptation a visé l’équilibre entre la réflexion intellectuelle et la dimension spectaculaire et a mis en avant le groupe de jeunes comédiens : Chihab Chbail, Kemal Zahio, Adam Jebali, Abdelkader Dridi, Nezha Hosni, Chaima Essamari, Abir Semidi, Majdi Mahjoubi, Fatma Zahra Marouani, Seifeddine Loujeyhi et Mohamed Youssef Ben Azizi.
En outre, la scénographie innovante, notamment par l’intégration de la technique du mapping vidéo, offre une dimension visuelle contemporaine qui enrichit profondément la représentation.
Un texte puissant mêlant passé historique et réflexion contemporaine
Le texte de La Mère des pays ou Oumm el-Bilad, publié en version longue chez Beit El Hikma a été condensé pour la scène sans perdre sa profondeur. Il oppose deux figures centrales : Abou Zakariya, symbole du souverain juste et bâtisseur d’État, et son fils Al-Mustansir Billah, incarnation de la décadence et de la déviation des principes.
Cette opposition dramatique ouvre une réflexion universelle sur la pérennité du pouvoir, la gouvernance et les cycles historiques. Le texte allie un arabe classique soigné à des touches de dialecte tunisien, rendant la pièce accessible tout en conservant une grande richesse symbolique.
Les dialogues sont riches de niveaux d’interprétation multiples – historiques, politiques et artistiques – et mettent en parallèle les enjeux du XIIIe siècle avec ceux de la Tunisie contemporaine.
Les thèmes abordés englobent la justice sociale, la souveraineté nationale, la démocratie, la dépendance aux puissances étrangères, ainsi que la quête d’identité collective. Ainsi, la pièce s’inscrit comme un miroir critique de la Tunisie moderne, tout en célébrant son patrimoine historique.
Une mise en scène novatrice au service du patrimoine et de l’émotion
Le travail de mise en scène signé Hafez Khalifa valorise le patrimoine tunisien à travers une scénographie mêlant décor traditionnel et innovation numérique, notamment par la technique du mapping vidéo. Les portes de la Médina, la mosquée de la Kasbah ou « Bab el-Banat » s’imposent en arrière-plan, soulignant symboliquement l’ancrage de la création dans la mémoire tunisienne.
Les costumes, réalisés avec soin, reflètent la splendeur de la période hafside, tandis que la musique originale — interprétée en direct par Ibrahim El-Bahloul — et les danses traditionnelles comme la tanoura et le stambali apportent une dimension spirituelle au spectacle.
« Oumm el-Bilad » dépasse ainsi la simple reconstitution historique pour livrer une réflexion profonde sur les défis du présent : elle dénonce l’affaiblissement des institutions, le manque de culture démocratique et la tentation de la soumission politique à l’étranger.
L’écrivain Ezzeddine Madani, a son actif plus de quarante pièces de théâtre, exprime sa fierté de cette expérience liée à la Tunisie, explique que sa pièce n’est pas une reconstitution historique classique, mais une évocation de l’histoire servant de miroir au présent. Il utilise le mythe et le symbolisme pour enrichir l’interprétation. Le personnage d’Abou Zakariya al-Hafsi incarne, selon lui, l’exemple du souverain juste, respectueux des femmes et défenseur de l’identité nationale.
L’œuvre incite à repenser l’État tunisien dans sa continuité historique, faisant d’Abou Zakariya le modèle d’un dirigeant juste, protecteur de son peuple et défenseur de son identité. Par son récit, la pièce invite à une prise de conscience collective, à la fois hommage au passé glorieux et appel à la responsabilité civique pour l’avenir.
Tekiano
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