De cœur à cœur, Rafik Gharbi ressuscite Aznavour dans le spectacle “Hier encore” à Boukornine
Le public de la 43e édition du Festival international de Boukornine a eu rendez-vous, lors de la soirée du 8 août 2025, avec le spectacle “Hier encore” du maestro Rafik Gharbi. Ce concert conçu à la base en hommage au chanteur franco-arménien Charles Aznavour pour son centième de naissance va au-delà des simples reprises pour explorer des univers musicaux divers, ayant en commun le poids des mots et la force de l’émotion.
Un hommage profondément personnel
Le spectacle “Hier encore” s’est déjà tenu maintes fois depuis l’automne 2024. Une série de représentations a notamment eu lieu au Théâtre municipal de Tunis et étaient marquées Sold out. Pour des raisons techniques et logistiques, le concert a été joué dans une version minimaliste au Théâtre de plein air de Hammam-Lif.
Pas de vidéos sur écran géant et pas de danseurs cette fois. Ici, place à l’essentiel, la musique, les voix et l’émotion brute dans ce cadre intimiste où chaque note trouve un écho plus profond dans cette simplicité assumée.
Quatre voix se sont partagé la scène. Kamel Sallem, chanteur et pianiste de jazz, a inauguré la soirée avec « Je t’attends », suivi d’autres titres emblématiques dont « Il faut savoir » et « Que c’est triste Venise ».
Véritable sosie vocal de Charles Aznavour, il étonne par la ressemblance troublante de sa voix, mais surtout par la manière dont il fait vibrer les émotions avec une intensité croissante, portée par les années et la maturité de son interprétation.
A presque 80 ans, des chansons comme « Hier encore » prennent une résonance particulière, teintée de vécu et de nostalgie.
Il a été rejoint par Lilia Ben Chikha que le public connait depuis son passage à Star Academy et qui a joué récemment le rôle principal dans l’opéra « La Traviata » au Théâtre de l’Opéra de Tunis.
Chanteuse lyrique à la voix souple et maîtrisée, elle excelle avec aisance dans des répertoires aussi variés que les chansons françaises, la musique orientale, ou encore les airs tunisiens.
En reprenant « La bohème », « Emmenez-moi », puis « Padam » de Edith Piaf et « Addaych ken fi ness » de Fayrouz, en hommage à Ziad Rahbani, elle a révélé une rare polyvalence vocale et une profonde intelligence musicale.
Meyssoun Fatnassi est la plus jeune du groupe. Avec sa voix puissante et vibrante et une présence scénique captivante, elle a repris « Yesterday », version anglaise de « Hier encore » avec Kamel Sallem en duo bilingue.
L’écart d’âge de près d’un demi-siècle entre les deux chanteurs, s’ajoutant au texte poignant, a transmis une émotion brute qui a saisi l’auditoire. Rafik Gharbi, le créateur du spectacle, a interprété lui-même deux tubes célèbres, au chant et au piano, « Je m’voyais déjà » qui remonte aux débuts d’Aznavour et « Les Comédiens ».
Les chansons reprises dans ce concert sont des tubes intemporels qui ont marqué des générations entières. On ne peut donc rendre hommage à Aznavour sans s’impliquer émotionnellement et intimement.
C’est un reflet de soi à travers une musique qui continue d’inspirer et d’accompagner. « Quand Aznavour chante des sentiments forts, chacun y entend les siens et s’y reconnait aisément», a souligné Rafik Gharbi à la conférence de presse qui a suivi le spectacle, en revenant sur la résonnance personnelle entre l’héritage de Charles Aznavour et son propre parcours.
Au-delà des reprises…
La plupart des titres joués au spectacle « Hier encore » ont été réarrangées, avec la touche personnelle du maestro Rafik Gharbi qui y a insufflé sa sensibilité et sa vision artistique. Ayant passé de longues années en pianiste de jazz, il s’est déjà produit sur scène avec ses propres projets au Festival du Jazz à Tabarka et au Festival international de musique symphonique d’El Jem.
Par la suite, il s’est progressivement tourné vers un répertoire plus large, explorant des univers variés où se mêlent influences classiques, contemporaines et improvisations libres, enrichissant ainsi son expression musicale.
Comme les Tunisiens ont toujours été curieux et réceptifs aux musiques du monde, il a commencé depuis quelques années la création de spectacles autour de grands artistes, en y mêlant ses propres compositions.
Depuis « Alchimie », « Chœur de femmes » jusqu’à « Couleurs méditerranées » présenté récemment à Paris, il a rendu hommage à Dalida, Edith Piaf et bien d’autres. En glissant ses morceaux originaux entre ces monuments du répertoire, Rafik Gharbi révèle ainsi l’influence profonde que ses idoles ont eue sur son écriture, tout en affirmant sa propre voix.
Le public de Boukornine a fortement applaudi, en particulier, « Tango sur le pont Neuf », une composition originale du créateur du spectacle. Sur ce morceau d’une complexité technique notable, le violoniste de renom Riadh Ben Amor s’est distingué par sa virtuosité, sa précision et l’aisance remarquable par laquelle il manie son instrument.
Rafik Gharbi ne se contente donc pas de revisiter les classiques, mais crée un dialogue intime entre héritage et création qui trouve un public attentif, passionné et souvent mélomane. Le concert au Théâtre de Hammam Lif s’est en effet clôturé par un long standing ovation.
Le public a encore rendez-vous avec Rafik Gharbi et les musiciens qui l’accompagnent le 19 août à la 50e édition du Festival de la Goulette. Un autre spectacle, « Centifolia-Ghneya lik », sera présenté à Sousse à l’occasion de la Fête des femmes, le 13 août, avec plus de compositions originales sur des textes de Refka Sassi.
Lina
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