Tunisie : Le Ramadan, entre l’œil, le télescope et l’astronomie

En Tunisie, la météo a publié une analyse sur le croissant de lune. En Algérie, les astronomes se contredisent. En Libye, ce sont les scientifiques qui déterminent le début de Ramadan. Et dire que l’astronomie est une science islamique !

Le site de l’Institut National de la Météorologie de Tunisie a publié, dès le 6 août 2009 une analyse détaillée sur la visibilité du croissant de lune , annonçant le début du mois sacré de Ramadan. Elément particulièrement intéressant, une carte du monde mise en ligne, déterminant les zones géographiques et les dates correspondantes auxquelles le croissant pourrait être vu. Il s’avère que c’est uniquement dans une petite région d’Amérique du Sud que le symbole de Ramadan sera visible, à partir du 20 août 2009 à 22h 48, heure universelle, soit 23h48 à l’heure tunisienne. Selon cette analyse, il paraît dès lors évident que le croissant ne pourrait être vu, à cette date, sur le territoire national. Conséquence directe : le mois Saint de Ramadan débuterait donc le samedi 22 août 2009. Une information corroborée par le portail officiel infotunisie.com qui a annoncé depuis quelques jours que «le mois de Ramadan 1430 devrait débuter vers le 22 août 2009» .

Certes le terme «vers» atténue quelque peu la certitude, en cette nuit du Doute. Mais tout de même.

En Tunisie, le comité d’observation
scrute le ciel pour guetter le croissant ramadanesque à travers plusieurs régions du pays. Relevons au passage le télescope électronique ultra sophistiqué «Chahed», élaboré par le docteur tunisien El Awsat Ayari. Un système permettant de déterminer les mois lunaires en centralisant des données issues de laboratoires différents disséminés sur tout le globe terrestre. Ce qui permettra de faciliter le suivi le cycle lunaire au moment du coucher du soleil, en envoyant un signal indiquant le positionnement exact de la lune au cours du mois saint.

Pourtant, le début de mois de Ramadan, continue de susciter la polémique, et les Musulmans de la planète le célèbreront en ordre dispersé. Nos frères Libyens, par exemple, ont annoncé dès le 1er août 2009 que le vendredi 21 août 2009 sera le premier jour de jeûne. Une date fixée par le Centre libyen de télédétection et de la science de l’espace qui se charge notamment de déterminer scientifiquement le début et la fin des mois lunaires, et ce depuis quelques années.

En Algérie, l’association Sirius d’astronomie, a indiqué que le croissant du mois du ramadan «devrait être visible vendredi soir à l’œil nu mais difficilement» et donc «le début du ramadan devrait avoir lieu le samedi 22 août». Une déclaration contredite par chercheur algérien et expert en astronomie, Loth Bounatiro, qui a estimé que le mois de ramadan devrait débuter officiellement en Algérie le vendredi 21 août. On notera tout de même pour cette année une première : l’Arabie Saoudite a autorisé l’utilisation du télescope pour l’observation du croissant.


Difficile de se retrouver face à ces interprétations différentes. D’autant plus qu’avec les nouvelles technologies de la communication et l’explosion des chaînes satellitaires, les Musulmans du monde peuvent se rendre compte en direct (avec regret) que le désaccord règne même pour décider d’une date religieuse qui devrait les unir. Alors même que 2009 a été proclamée année mondiale de l’astronomie.

Paradoxalement le rejet de cette science qui était, il n’y a pas si longtemps, une spécialité arabo-islamique n’a jamais été unanime dans la tradition musulmane. L’astrophysicien Abd-al-Haqq Guiderdoni, également directeur de l’Institut des hautes études islamiques (IHEI) rappelle dans un article publié sur le portail SaphirNewz.com que «le calcul sur la possibilité de voir le croissant a fait l’objet de travaux astronomiques depuis l’Antiquité, et jusqu’à l’époque moderne, en passant par la période de l’apogée du monde musulman». L’histoire a même retenu le nom de quelques juristes qui ont prôné le recours à l’astronomie pour résoudre sans ambiguïté cette question. Assoubki (XIVe siècle), un uléma adepte de l’école shafiite a même déclaré nulle et non avenue toute observation considérée comme impossible par la science. C’est du reste dans cet esprit que les sciences se sont développées dans le monde islamique. Les tables du mathématicien Al Khawarizmi (IXème siècle) étaient aussi destinées à établir les périodes de visibilité du croissant lunaire. Onze siècles plus tard, les Musulmans sont-ils vraiment plus avancés ?

Samy Ben Naceur

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