Tunisie : Caméras thermiques contre grippe porcine ?

Les principaux aéroports de Tunisie seront équipés de détecteurs et caméras thermiques pour lutter contre la propagation de la grippe porcine. Seulement, la technologie en question n’est guère efficace…

Suite à la déclaration de l’Organisation Mondiale de la Santé de passer au niveau d’alerte pandémique 5 sur une échelle composée de 6 phases, des détecteurs thermiques ont été installés dans des aéroports tunisiens comme celui de Tunis-Carthage, et de Djerba. C’est ce qu’on peut lire dans un article du quotidien «Le Temps» dans son édition du 1er mais 2009 (voir ici). Des négociations sont en cours avec les gestionnaires de l’aéroport Habib Bourguiba à Monastir pour prendre les mesures nécessaires… dont l’installation de détecteurs thermiques.


Caméras thermiques contre grippe porcine

Ces décisions s’inscrivent dans le cadre d’activation et du renforcement de la surveillance dans les points de transit. Car la cinquième phase d’alerte pandémique se caractérise par une propagation interhumaine du virus dans au moins deux pays d’une Région de l’OMS. Si la plupart des pays ne sont pas touchés à ce stade, la déclaration de la phase 5 est un signal fort indiquant qu’une pandémie est imminente et qu’il reste peu de temps pour finaliser l’organisation, la diffusion et la mise en œuvre des mesures d’atténuation prévues, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé.

Rétrospective

Entre 2003 et 2008, le marché de ces technologies a fleuri dans les aéroports du monde entier, notamment en Asie où cette procédure avait inaugurée lors de la crise de la pneumonie atypique (SRAS) de 2003 et le H5N1 (la grippe aviaire). Ces dernières années, des caméras thermiques ont été surtout installées dans des régions d’Asie telles que le Japon, la Thaïlande, Hong Kong, l’Indonésie, Singapour etc.… Ces pays ont installé dans leurs aéroports ces appareils pour détecter instantanément l’état de santé de voyageurs venant des zones infectées censées repérer les passagers fiévreux. Ex : Les autorités font contrôler la température des passagers des avions (ou bateau) par infrarouge à Hong Kong (Chine), Bangkok (Thaïlande) et dans les principaux aéroports internationaux d’Indonésie…


Caméras thermiques contre grippe porcine

Mais voilà que ces derniers jours, et avec l’apparition du virus A/H1N1, l’engouement vers ce type de technologies refait surface dans les aéroports du monde entier. Surtout que la plupart des pays Européens, tous les pays de l’Amérique Latine sans même parler des pays du continent africain (à l’exception de la Tunisie, le Maroc, l’Egypte, et l’Afrique du Sud), ne sont pas équipés de ces portiques et caméras thermiques.

Quelle Efficacité ?

Alors même qu’on équipe nos aéroports par des portiques et des caméras thermiques le débat sur l’efficacité et la fiabilité de ces engins a été relancé. Et pour cause, l’OMS (l’organisation mondiale de santé) a averti le mardi 28 avril 2009 que les contrôles sanitaires aux frontières, notamment par des caméras thermiques dans les aéroports “ne marchent pas” pour détecter des passagers éventuellement contaminés par le virus de la grippe porcine. “Si une personne a été exposée au virus ou a été contaminée (…) cette personne peut ne pas présenter de symptômes à l’aéroport”, a relevé devant la presse Gregory Hartl, porte-parole de l’OMS.”Les contrôles aux frontières ne marchent pas”, a-t-il souligné. “La surveillance de la fièvre (par des caméras thermiques) ne détectent pas les personnes qui sont encore en phase d’incubation de la maladie”, a-t-il encore expliqué.

Idem, selon des chercheurs français, ces systèmes de portiques ou de caméras thermiques, ne sont pas assez fiables pour être efficaces. L’étude en question, réalisée par une équipe de chercheurs français et menée sous l’autorité du Pr Bruno Riou, fait effectivement apparaître que ces systèmes manquent clairement de fiabilité (voir ici). Selon l’étude, la valeur prédictive des caméras est de 99% quand le résultat est négatif et de seulement 10% quand il est positif. En d’autres termes, sur 100 personnes dites sans température par la caméra, 99 n’ont effectivement pas de fièvre, mais sur 100 personnes qui ont de la fièvre selon le test, seulement 10 en ont vraiment. “Cela signifie qu’il y a beaucoup de faux positifs, ce n’est pas efficace”, a expliqué à l’AFP le Dr Hausfater, spécialiste de médecine interne aux urgences du CHU. “Qu’est-ce qu’on fait de tous ces patients positifs détectés, dans un aéroport ou dans un hôpital?”, se demande-t-il, évoquant la nécessité d’une filière de prise en charge lourde, “pour des patients qui finalement n’ont rien”. “Dans le cadre d’un dépistage de masse, ça pose d’énormes problèmes d’organisation”, dit-il. Ils estiment aussi que la mesure de la température cutanée avec la caméra infrarouge “est influencée de façon marquée par l’âge du patient et son environnement”. Cependant, aucun cas de grippe porcine n’a été constaté en Tunisie. Les autorités compétentes multiplient les mesures préventives pour parer à toute éventualité. Mais notre quotidien « La Presse », dans son édition du lundi 4 mai n’est guère rassurant (voir ici  ): « rien n’indique que notre pays sera à l’abri indéfiniment. Tant la grande mobilité des Tunisiens et la nature éminemment touristique du pays s’inscrivent en faux contre toute inertie ou innocuité à ce sujet ».

Abdel Aziz Hali

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