Tunisie : Le 4ème pouvoir, de Facebook à Aljazeera

Les Tunisiens zappent en faveur de chaînes saoudiennes. Les Qataris ont beau avoir un missile médiatique pointé sur le monde arabe, pour se divertir ils préféreront, les fictions syriennes, fussent-elles réalisées par un Tunisien.

Le football en général et l’équipe nationale en particulier, représentent l’une des rares occasions pour les Tunisiens de se réunir autour d’un même média, la télé, au cours de l’année, plus précisément hors Ramadan. Or le dernier rempart de la télévision tunisienne est en passe de tomber, en victime «paradiabolique» des droits de diffusion.

L’intérêt du téléspectateur tunisien est de plus en plus titillé par les sirènes satellitaires arabes. Un analyste bien de chez nous a même jugé cela «pas très sain». Rappelant qu’il est rare qu’un Allemand suive les chaînes françaises, malgré tous les liens entre les deux Nations. Ainsi, le Portugais ne sera pas enclin à regarder des programmes Italiens. La cause est évidente. L’Union Européenne, les affinités politico-économiques ne suffisent pas à créer une unité linguistique. L’espace de Schengen n’a pas cours à la télé.

Les Tunisiens, eux, tout comme les Marocains, les Algériens, les Jordaniens, n’hésiteront pas à zapper en faveur de chaînes égyptiennes ou saoudiennes. Les Qataris ont beau avoir Al Jazeera pointée en missile médiatique vers le monde arabe, pour se divertir, ils préféreront, les fictions syriennes, fussent-elles réalisées par un Tunisien. Les productions audiovisuelles levantines émergent. Certains de nos comédiens y ont même gagnés leurs lettres de noblesse. Alors même que l’on remet en cause l’existence de la rue arabe, l’audience arabe, elle, est devenue une réalité aussi tangible qu’incontournable. Et quoi qu’il en dise lui-même, que Tarek Dhiab, prince du sport tunisien, puisse s’exprimer sur une télé du Golfe sur le football égyptien, corrobore la tendance.

Mais il est bien loin le temps où nos familles se réunissaient autour du feuilleton (nécessairement) égyptien du moment, diffusé sur l’unique chaîne tunisienne (à l’époque) disponible. Elles ont désormais l’embarras du choix avec des dizaines de canaux dédiés aux séries télévisées. Ce qui souligne d’ailleurs l’absurdité de la programmation de fictions nilotiques sur nos chaînes nationales. A moins que ce choix ne soit uniquement dû à des contraintes de remplissage bon marché.

Pour capter l’attention du public dans un contexte toujours plus concurrentiel, l’ultra spécialisation des canaux de diffusion est devenue une banalité. D’où l’émergence de chaînes exclusivement sportives, que leurs homologues généralistes auront du mal à battre sur ce terrain. Surtout si la spécialisation en question est couplée à la puissance financière. Le morcellement des audiences a chamboulé durablement le marché du spectacle et les habitudes. Les chaînes du Moyen-Orient parfois décriées taillent des croupières dans notre audimat. La preuve ? Quelques annonceurs tunisiens, certes encore peu nombreux, ont choisi de diffuser leurs spots publicitaires sur des chaînes proche-orientales.

Et la nouvelle tendance s’inscrit en filigrane sur internet. Des outils comme Google Insight for Search fournissent à cet égard leur lot de surprises. On a ainsi remarqué qu’un site arabe israélien cartonnait parmi les internautes tunisiens grâce à son contenu sur les starlettes made by Rotana. La plateforme maktoob, largement utilisée par nos blogueurs arabophones, a été rachetée par l’américain Yahoo. Rekza.com, un portail hébergé en Allemagne, dédié aux films arabes (égyptiens mais aussi maghrébins) a un succès grandissant en Tunisie. Le nom de domaine Myegy.com, aux consonances clairement égyptiennes, a été réservé aux Etats-Unis, mais c’est en Russie que se trouvent ses serveurs. Et c’est désormais l’une des sources favorites des graveurs de DVD, de Tunis au Caire, en passant par Tripoli. Le point commun à toutes ces plateformes en ligne ? Elles ciblent toute l’audience arabe. Dans nos régions, même l’usage que l’on fait de Facebook ou de Google Earth est marqué de l’empreinte locale.

Plus souple, moins cher, et surtout beaucoup plus rapide à mettre en œuvre, le web promet d’être la future étoile montante du paysage médiatique arabe. Même si le fameux 4ème pouvoir sera pour le compte largement diminué, puisque l’audience en question ne saurait être que segmentée et parcellaire. En définitive, si l’audience arabe est une réalité, l’influence univoque de médias du style Sawt Al Arab fait déjà partie du passé.


Oualid Chine

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