Tunisie : Dialogue de sourd avec les webmasters ?

Le développement web fait face à de nouveau défis en Tunisie. Prix en hausse, qualité en baisse et sites pris en otage par des agences de développement. Faut-il faire appel à des médiateurs ? «C’est une fausse bonne idée» dixit un gérant d’une boite de création de sites web.

Le développement web est un métier qui a fait son apparition en Tunisie depuis une dizaine d’années. Poussée par la concurrence, les entreprises tunisiennes sont appelées à avoir une vitrine virtuelle sur la toile. Qu’il soit recruté à plein temps ou en freelance, le développeur web est ainsi devenu indispensable pour ces sociétés. Pour répondre à cette demande croissante, le nombre des sociétés de création de sites web ne cesse de prospérer en Tunisie. Pourtant, les relations entre ces start-up et leurs clients sont parfois tendues.
«Les boites de développement web en Tunisie m’ont donné des tarifs très élevées comparée à ceux français. J’ai fini par faire appel à une boite de création de site web à Paris», déclare Gabriel Ostacchini, directeur du site Ajidoo.com.

Entreprises piégés par les webmasters ?

Pour Amel Djaiet Belkaid, directrice du site mille-et-une-tunisie.com, parfois le problème ne se limite pas seulement au prix de la création du site web : «Plusieurs sites tunisiens n’ont pas évolué depuis 2005 ou 2006. Quand on demande aux chefs d’entreprises la raison, ils vous diront qu’ils ont été pris en otage par la première boite. Cette dernière garde en effet tous les paramètres et les “clés du système”». Ces “clés du système” sont donc nécessaires pour qu’un autre développeur web puisse prendre la relève. «Ces chef d’entreprises sont dans un tel désarroi qu’ils cherchent maintenait le conseil avant même les compétences techniques pour la création de leur site.

Le problème avec les développeurs web en Tunisie, c’est qu’une fois qu’ils commencent à avoir du succès et que leur start-up grandit, ils changent d’optique en privilégiant le prix plutôt que la qualité. Ils réfléchissent en termes de temps (combien ça va leur prendre pour délivrer le site au client) et en termes d’équipe (les personnes qui vont être affecté au projet). Le client au final se trouve totalement perdu et a besoin de conseil. Entre le développeur et le client, il y a un vide qui peut être rempli par un autre type de métier : le conseil. Ce conseiller ne va pas vendre les services de la boite comme le commercial, il aura plutôt la tâche de traduire en langage technique le concept et la vision du client à l’équipe de développement.

Il faudrait savoir que la création d’un site web passe par une phase de réflexion, de conceptualisation et de hiérarchisation avant de passer à l’étape réalisation technique. Beaucoup de nos webmasters ont tendance à oublier l’importance de cette phase intermédiaire et ne voit que le résultat final qu’ils s’attribuent en cherchant leurs clients».

Médiation entre client et développeur web

En gros donc, chaque société de création de sites web doit avoir un médiateur entre le client et la société-cliente. Ce médiateur devra travailler en collaboration avec une équipe qui va réfléchir et conceptualiser les besoins du client avant de commencer le développement proprement dit.

«C’est une fausse bonne idée», rétorque M. Hassen El Gharbi, dirigeant d’une start-up de création de site web et multimédia, Fx Prod. «Il est difficile de saisir ce que veut un client. Quand il nous sollicite, c’est généralement pour faire comme ses concurrents. Ils suivent plus un phénomène de mode qu’un besoin d’être sur Internet. Ils ne visent pas réellement le gain de compétitivité que le web implique.

Pire : ils n’ont le plus souvent aucune visibilité sur le contenu qu’ils vont mettre en ligne. Il m’est arrivé d’avoir des clients qui m’ont dit “je veux un site Internet, Démerdez-vous pour le reste !”. Or ce n’est pas à moi de fournir le contenu du site. De plus le médiateur sera mal vu par le client. Il le considérera comme un commercial voulant vendre le maximum de services et d’option pour gonfler la facture ». Le problème ? M. Hsan El Gharbi relèvera que «quand elles se décident de créer un site web et de faire appel à une société spécialisée en la matière, les entreprises tunisiennes opteront plutôt pour le prix le moins cher et non pour la performance».

En somme, entre les entreprises désireuses de marquer leur présence en ligne et les pros du web, c’est le dialogue de sourds. En filigrane, la méconnaissance de ce nouveau média, de ses possibilités, mais aussi des limites qu’il impose. A suivre.

W. N

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