Tunisie : DVD de salubrité publique

70 000 officines sont à la disposition du citoyen pour lui permettre d’embellir son regard, de s’évader de la sinistrose caniculaire. N’en déplaise aux fondamentalistes du 7ème art, le film s’est démocratisé depuis qu’il s’est numérisé.

Des petits bijoux sud-coréens accessibles et presque gratuits en Tunisie. Les trouvailles persanes avec la profondeur de champ que leur confère le raffinement de leur civilisation en libre accès dans les coins les plus reculés de la République Tunisienne. Les langueurs, et les dialogues qui trainent en longueur des Français. Le bulldozer américain qui renverse tout à coups de dollars sur son passage. L’intégralité des la production cinématographique planétaire désormais disponible chez votre épicier.

Une offre mise à jour en temps réel, devançant même les pays riches, dribblant les arrogants monopoles du Nord. Une offre dont aurait rêvé nos cinéphiles des brûlantes années 70, des tonitruantes 80’s. Les cinéclubs n’existent plus ? Les revoici éclatés, décentralisés, distribués, accessibles à tous les Tunisiens, sans le confinement confidentiel qui les maintenaient hors de portée du commun des mortels. N’en déplaise aux fondamentalistes du 7ème art, le film s’est démocratisé depuis qu’il s’est numérisé.

Des catalogues complets, les œuvres complètes des Maîtres réalisateurs. De Dersou Ouzala d’Akira Kurosawa, à l’exquis «Goût de la cerise» d’Iran. Et dans ces compilations de 6 films gravés sur un DVD pour à peine 2 dinars, il nous arrive ainsi de découvrir les nouvelles pépites sud-américaines, les perles asiatiques qu’aucune salle commerciale n’aurait eu l’audace de programmer.

70 000 officines sont à la disposition du citoyen pour lui permettre d’embellir son regard, de s’évader de la sinistrose caniculaire. 70 000 bureaux ouverts du matin jusqu’à tard dans la nuit, au service des Tunisiens, dans les villages les plus reculés, où jamais les cinémas n’ont daigné ouvrir leurs salles obscures. 70 000 centres consacrés à la diffusion de la culture à un prix symbolique. Faisant peut-être naître des vocations, plantant les germes de Kiarostami, de Fellini, jusque sur les contreforts du Mont Chaambi. Déjouant les déterminismes, se jouant des prérogatives de la tentaculaire capitale.

De quoi (re)découvrir les couleurs de l’Afrique et du sud de l’Amérique, sans quitter sa région, ni son salon. Voyager pour 2 dinars, le temps d’une heure et demie de cinéma, se balader à Rio de Janeiro, débouler en bolide à Séoul, le temps d’un haletant polar de Na Hong-jin, sans payer de billet d’avion. Dans un contexte marqué par une offre culturelle pas toujours à la hauteur de la demande des citoyens, nos graveurs ouvrent de nouvelles fenêtres à nos citoyens. Une brèche où ils s’engouffrent en quête de fraîcheur et de renouveau. Quand nos réalisateurs tentent de faire une carte postale de leur nombril.

Décriés, critiqués, nos petits graveurs de DVD, font pourtant, (involontairement ?), œuvre de salubrité publique. Une action culturelle à l’échelle nationale, qui n’ignore aucune zone d’ombre, qui se maintient et s’enrichit de jours en jours sans négocier de subvention. Et Dieu sait pourtant que nos jeunes diplômés la mérite, à l’heure où nos producteurs font leur cinéma.

LBC

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