Hiss, l’underground de Tunisie se manifeste !

«Hiss» est un rendez-vous mensuel au Club Tahar Haddad dédié à la musique alternative tunisienne. La 2eme édition de «Hiss» a lieu ce soir du 17 décembre avec Lahab et Echoes à l’affiche. Tekiano a rencontré Zein Abdelkefi alias HayeJ, initiateur de l’événement et musicien electro. Interview.

Tekiano : Comment est née l’idée d’organiser Hiss ?

Zein Abdelkefi : L’idée d’organiser Hiss est née du constat qu’il n’y a plus de groupes emblématiques sur Tunis. Ou plutôt : ceux qui l’étaient ont disparu à petit feu. Donc, avec des amis on s’est posé la question : Pourquoi ? Pourquoi il n’y a plus de souffle créatif qui entraine tout comme ce qui existait dans la scène rock metal des années 90, ou dans la scène rap qui maintenant a gagné en caricature et perdu en charisme et en authenticité ? C’est une réflexion générale. Il y a encore beaucoup de musiciens de talent. Mais où ? Et voilà : à chaque fois qu’on posait la question pourquoi, surgissait la question où et comment. Et c’est évident, parce que pour qu’il y ait une scène alternative, il faut tout d’abord une scène. Il fallait par conséquent se positionner tout en amont de la production, définir un lieu qui soit le rendez-vous de ceux qui créent et de ceux qui veulent découvrir.
Parce qu’il existe un public qui demande à découvrir, c’est un public exigeant et qui en a marre de se faire caricaturer dans une pseudo-culture jeune qu’elle soit occidentale ou libanaise.

Pour abréger, Hiss est né d’une volonté de se projeter dans le long terme. Quel que soit le style musical, rock, reggae, électro, fusion, rap, Hiss est la scène des musiques alternatives qui se définissent par une volonté de création.

Et le choix du terme «Hiss» comme intitulé de l’événement ?

Parce que ce que l’on n’écoute pas est perçu comme étant du bruit… Je vous laisse avec ça. (Eclat de rire)

Bénéficiez-vous du soutien des sponsors ?

Non, pour l’instant, nous n’avons pas de sponsors. Nous sommes en auto production avec le soutien du Club Tahar Haddad. Et pour le coup, ça se passe bien. En gros, tous ceux qui participent ont leur part, et principalement les musiciens, mais aussi les graphistes, les techniciens… Pour l’instant ce n’est pas grand-chose… de quoi boire quelques verres.
L’objectif est de tenir le rythme mensuel. Ce n’est pas toujours facile parce que les groupes se font rares. Mais on sent une dynamique qui se met en place.

Quels sont les critères de choix des groupes participants ? Notamment Lahab et Echoes pour cette édition ?

Une volonté de création à travers des compositions. Et c’est le plus grand gage de qualité.

La première édition de Hiss était assez, voire très électronique. Or nous ne voulons pas que Hiss ait une étiquette exclusivement électro. Pourtant, le constat actuel est que c’est la scène la plus active et la plus organisée à Tunis. Elle se gère beaucoup mieux que les autres scènes. On a donc décidé de se tourner vers des sonorités beaucoup plus rock pour cette seconde édition : Echoes et Lahab, même si ce dernier développe une fusion électro-rock. Mais c’est aussi la marque d’une vraie tendance musicale lourde.

Echoes font plus que s’inspirer des musiques psychédéliques des 70’s. Ils créent leur propre rock progressif avec leurs propres compos. Ce sont tous d’excellents musiciens à tout point de vue : sonore et visuel. Lahab ne sont plus à présenter. Ils sont dans une démarche d’expérimentation non stop. Vous connaissez beaucoup de groupes à Tunis qui osent s’associer avec Mounir Troudi et Ogra? Eux, ils affirment évoluer dans un désert musical. J’aime cette provocation et espère leur donner tort.

Quelles difficultés rencontrez-vous pour l’organisation d’une telle manifestation ?

On rencontre deux types de difficultés. La première est envers les artistes. Ils sont exigeants techniquement. Or la salle du Club Tahar Haddad est difficile. On n’a pas toujours le matériel et les ingénieurs du son que l’on désire. Pour les lumières et projections-vidéo, c’est pareil. La disposition de la salle n’est pas non plus très adaptée aux projections-vidéo.

Ainsi, la première édition de Hiss s’est faite sans projection, alors que l’on avait (chose rare) les projecteurs. Donc c’est ça la première difficulté, car on essaye de répondre avec les moyens que l’on a aux fiches techniques des artistes tout en s’adaptant au lieu. Attention, ce lieu a aussi des aspects ultra positifs : déjà sa centralité géographique, mais surtout c’est la seule salle au centre ville qui n’a pas de chaises fixes. Vous vous voyez écouter du métal ou de la jungle le cul cloué à une chaise fixe ? (éclat de rire)

La deuxième difficulté est envers le public. Si on veut sauvegarder un espace de liberté, il faut savoir assumer des responsabilités. Certains comportements sont non seulement intolérables, mais ils foutent en l’air le travail de tous. Par exemple, introduire des boissons alcoolisées dans ce lieu est tellement stupide et contre productif. C’est insulter les musiciens, donner raison aux détracteurs de ces musiques (et il y en a beaucoup) et annuler une des rares tentatives d’un événement qui appartient tout autant aux artistes qu’au public. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent en dehors, mais Hiss est un moment de partage d’une même dynamique créative, consciente et intelligente. Ne penser qu’à soi à ce moment-là, c’est remettre tout en question et priver Tunis de sa jeunesse. Car : IF KIDS ARE UNITED, rahom ya3mlou barcha Hiss.

Propos recueillis par Thameur Mekki

Crédit Photos: Chakib Mahjoub, Mohamed Frini

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