Tunisie-Elections : Plus de 6000 cas d’irrégularités

Même si le travail de traitement des bulletins d’observation n’est pas encore fini,M. Moez Bouraoui, le président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections nous a livré, le vendredi 28 octobre, un rapport préliminaire, « qui ne se termine pas par des recommandations, comme il est d’usage, car nous avons encore des questions sans réponses », s’excuse-t-il d’emblée.

Dans une présentation en entonnoir, des aspects législatifs aux dysfonctionnements concrets, qu’il a eu du mal à suivre avec tout ce qu’il voulait dire, M. Bouraoui a assimilé les élections à un mariage : beaucoup de stress avant à cause de tout ce qui ne va pas dans le bon sens ; le jour J on oublie tout ça pour profiter de la liesse du moment ; et on se réveille le lendemain en voyant tout ce qui ne va pas. Le 23 octobre, c’était le « mariage de tout le monde, mais certains ont volé les ba9lawas» !

Manquements de l’ISIE et blocage de la banque centrale

tnelec-340-2

Le rapport Atidien salue la création de l’Instance Supérieure Indépendantes des Elections (ISIE) comme «l’une des réformes essentielles entreprises en vue de concrétiser les objectifs de la révolution » et souhaite d’ailleurs préserver cet acquis en demandant à l’assemblée constituante que le mandat de l’ISIE soit reconduit. Mais il épingle aussi ses manquements, ses non-réactions, et son laxisme durant le processus électoral (notamment concernant le respect du décret-loi 35, l’utilisation de biens publics pour faire campagne, la publicité politique, etc.); nous n’y reviendrons pas.

Plus important, M. Bouraoui insiste sur le fait, que l’ATIDE, pourtant accréditée à suivre tout le processus électoral, se voit opposer un refus de la part du gouverneur de la banque centrale de Tunisie, pour la vérification des sources de financement des partis. Les sérieuses suspicions concernant trois partis et pas des moindres, notamment sur de l’argent en provenance de la Libye, ne peuvent donc être ni infirmées, ni confirmées. 
En termes de gros cafouillages, l’ATIDE déplore aussi le fait d’avoir autorisé les inscriptions passives en pleine campagne pour mobiliser les Tunisiens à s’inscrire. Cela a entraîné une énorme désorganisation : les bureaux de vote à mettre en place au dernier moment, le besoin de personnel supplémentaire, ont conduit à des choix précipités qui ont affecté l’indépendance des bureaux de vote.

6000 irrégularités
Les 2000 observateurs mobilisés dans les bureaux et centres de vote par l’ATIDE ont relevé 6000 irrégularités sur le territoire tunisien, durant les premières élections libres du pays. Elles n’ont pas toutes la même importance, mais pour l’ATIDE, pas de catégorisation possible, une « irrégularité est une irrégularité ». Le rapport s’attarde principalement sur le déroulement des élections à l’étranger, car les données tunisiennes n’ont pas encore été toutes recoupées et vérifiées avant leur divulgation.

Lilia Rebei, observatrice en Suisse et par ailleurs trésorière de l’ATIDE, nous a tout de même donné des chiffres provisoires, et des exemples avec des preuves tangibles. Selon elle, les irrégularités ont concerné 1 bureau de vote sur 4 (et dans ce cas, une sur 5 portait sur des problèmes de scellés !), et 1 centre de vote sur 3 ! Bien sûr, de natures différentes, certaines donnent à réfléchir… 1 bureau sur 5 touché par des problèmes d’influence… Des cas de connivences entre les partis et les membres de bureaux qui ont parfois entrainé la fermeture de bureaux et l’intervention dans certains cas des forces de l’ordre : Ariana, Ben Arous, Béja, Jbenyana, etc.
A Sarcelles Pantin, une urne a dormi au domicile d’un des assesseurs du bureau de vote, et d’autres étaient ‘scellées’ avec du scotch !

Le plus inquiétant de ce qui nous a été révélé concerne les procédures de compilation et de centralisation des résultats. Non encadrées par des textes clairs, ces opérations ont donné lieu à de nombreux dépassements : entraves à l’observation, absence de badges identifiant certains opérateurs, présence illicite de personnes non accréditées, manque ou disparition de certains procès verbaux. A titre d’exemple, sur 20 PV, 14-15 étaient dans l’état de celui de la photo.

Pour pallier aux suspicions qui sont nées de ces opérations, l’ATIDE demande à l’ISIE de publier les résultats par bureau de vote afin qu’ils puissent être corroborés avec les observations faites sur place. Une demande légitime, même si elle n’aboutira pas forcément.

Léna C.

Print Friendly, PDF & Email

Plus :  Actu   TopNews



  • Envoyer