Tunisie : «Mansinakomch», des artistes s’engagent pour les blessés de la révolution

 

La foule n’était pas au rendez-vous et pourtant la soirée a été réussie. Le concert organisé par l’association Nsitni en l’honneur des blessés de la révolution a permis de récolter des fonds pour un soutien psychologique et matériel mais de rappeler aussi à tous, leur combat.

haythem-mekki-nsitniA 18h30, les portes du Colisée s’ouvrent pour accueillir les familles des blessés et ces derniers. Une fois assis, le reste du public commence à arriver. La salle du Colisée ne sera pourtant pas remplie le samedi 21 avril. Tant pis pour Imen, porte-parole de l’association Nsitni, pour qui le plus important, c’est aussi la vente de billets qui permettra de poursuivre l’aide matérielle encore nécessaire à chacun. «Masinakoumch» (on ne vous oublie pas) est une des premières initiatives publiques de cette association qui œuvre depuis le début dans l’ombre, pour les blessés de la révolution. Beaucoup de gens ont acheté plusieurs billets sans se déplacer au concert. Ces blessés qui attendent au premier rang l’arrivée des artistes, ne sont pas partis pour le Qatar ni pour l’Europe. Ils patientent encore pour un rapport qui tarde à être publié et une reconnaissance de la part de l’état. Lassés des sit-in et des manifestations, le concert est pour eux une bouffée d’air frais. Pour Bendir Man, même si le concert ne va pas régler ces problèmes, le spectacle reste «une petite contribution». Pendant les préparatifs, le chroniqueur Haythem El Mekki qui anime la soirée, raconte la sélection des artistes : «On a essayé de prendre les artistes contestataires qui ont une certaine culture de la résistance, les jeunes artistes qui montent et bien-sûr, ceux qui acceptent de se produire bénévolement, sans chèque à la clef». Il citera plus tard le rappeur Balti, prévu à l’affiche, qui n’est finalement pas venu. Pour Haythem, l’engagement est clair : «Personne ne s’est vraiment investi dans ce dossier et la société civile n’a pas fait non plus ce qu’elle devait faire.». Si la salle se remplit peu à peu, les artistes présents, eux, sont motivés. C’est le cas du groupe Nouveau Système qui ouvre le concert avec des sonorités reggae-orientale. Pour le chanteur Chedly, la participation au concert était une évidence pour ce groupe qui s’est créé dans la manifestation de Kasbah 2. Depuis le début, son groupe travaille à «archiver l’histoire de la révolution» en écrivant de chansons sur le contexte politique et l’actualité. Ils ont joué pour les blessés, trois semaines avant à Sousse et comptent bien recommencer l’expérience. Le chanteur Yasser Jradi, s’est penché plus attentivement sur le dossier des blessés depuis six mois. Pour lui cela fait partie du fait d’être tunisien mais aussi de son statut d’artiste. «Même si c’est bien qu’il y ait des artistes qui restent à l’écart de la scène politique, certains doivent s’engager dans les causes de la révolution.»

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Vers 20h alors que l’ambiance a été un peu réchauffée par le sourire de Yasser Jradi et son «Dima dima», d’autres spectateurs commencent à arriver. La salle finira par s’enflammer lorsque Bendir Man, casquettes et lunettes comme d’habitude, monte sur scène et chante les chansons les plus connues de son répertoire. Quant aux blessés, ils profitent, certains montent sur scène tandis que d’autres écoutent chaque parole avec un sourire. Après le rap et la verve de Mr Kaz, c’est sans aucun doute Klay BBJ et Hamzaoui qui remporteront les faveurs de la foule. Klay BBJ débardeur rouge et blanc à l’image des couleurs de Nsitni, arrive sur la scène et commence le show. A ses côtés Hamzaoui, polo bleu et casquette, l’accompagne. Chacun se lève sur les premières notes de No Pasaran qui chante une révolution encore à faire. Klay BBJ et son flow touchent directement la cause des blessés, ignorés de la révolution et son seul mot en coulisses après le concert sera explicite: «Nous sommes là pour dire au gouvernement que les Tunisiens sont loin d’être des débiles». Ill poursuivra sa chanson avec un jeune au masque d’Anonymous monté sur la scène pour faire son show. Suivront ensuite Katybon et Vipa avec la chanson «Tounsi Elltof». Après presque quatre heures de concert non-stop la salle est plus que jamais conquise et en redemande. Certains concerts ne s’oublient pas, celui pour les blessés de la révolution en fait partie. D’un petit évènement amateur qui n’a intéressé que peu de monde, le concert est devenu un symbole pour ceux qui oublient encore les blessés de la révolution.

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L’association aura pu récolter à l’issue de la soirée près de 10 000 dinars grâce aux dons et à l’achat de billets, mais Imen déplore le manque de publicité faite autour du concert qui avait pourtant lieu dans une salle de grande audience. Ce sont finalement les artistes qui, par leur engagement et leur lien avec le public, ont marqué la soirée. Un Bendir Man qui chante la moitié de son répertoire à la demande de chacun, ou un Klay BBJ qui ne s’arrête jamais, le concert pour les blessés de la révolution aura été inédit.

 

Lilia Blaise

Crédits Photos Amine Boufaied

 

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