Conférence internationale de l’UNESCO: «Le rôle des médias n’est pas de dire que tout va bien»

 

Lors de la conférence internationale des commissions nationales de l’UNESCO «Dialogue Euro-arabe: contribution à un nouvel humanisme», organisée à Vienne le 31 mai et le 1er juin, une table ronde autour du rôle des médias dans la construction de la compréhension mutuelle et de la solidarité a eu lieu. Modéré par M. Moncef Bouhafa, directeur du Centre pour le développement de la communication à Washington, le débat autour des médias a été des plus passionnants de l’ensemble des sessions.

dialogue-unesco-020612Fort de ses 20 ans de travail au Moyen-Orient, Georges Malbrunot (Grand reporter pour Le Figaro), a souligné l’existence de «beaucoup de malentendus réciproques entre l’Europe et le monde arabe», mais pense que le bouleversement que connaissent les pays arabes aujourd’hui permet d’espérer un rapprochement.

Le journaliste revient sur l’emploi des termes dans les médias pour souligner ces malentendus, notamment concernant “le conflit israélo-palestinien” comme l’utilisation de l’expression “territoires occupés” et “territoires palestiniens”. «Les attaques contre l’occupant sont qualifiées d’actes de résistance d’un côté, et de terrorisme de l’autre», allègue-t-il. Une différence de traitement relevée également par Abdelawahab Bardakhan, rédacteur en chef adjoint du journal arabophone Al Hayat, qui précise: «Les médias arabes s’intéressent et traitent tout ce qui se passe en Occident, mais les médias occidentaux ne s’intéressent au Monde Arabe que pour parler d’Islam ou évoquer le terrorisme». Bardakhan revient avec un peu de désolation sur le «printemps arabe» et le résultat des élections en Tunisie et en Egypte: «C’est vrai que les urnes ne nous ont pas ramenés des mouvements qui nous garantissent un Etat civil, mais la motivation que j’ai vue chez les jeunes, notamment les jeunes journalistes, me donne de l’espoir».

Georges Malbrunot est lui plus conciliant avec ces mouvements, et pense qu’«il faut finir avec cette vision passéiste» et d’ajouter : «Le suffrage universel a porté des gens avec qui nous devons dialoguer. Il faut dédramatiser et rapprocher nos continents».

Anthony Mills, directeur général adjoint de l’Institut international de la presse, a, lui, souligné le rôle primordial des médias qu’est de raconter des faits et informer les citoyens. «Des informations, dit-il, qui peuvent avoir plus tard des conséquences graves comme la chute d’un gouvernement», et se justifie : «Le rôle des médias n’est pas de dire que tout va bien». Pour M. Mills, les médias ont toujours constitué un «terrain glissant» où à chaque fois qu’un journaliste évoque des choses qui dérange, «on essaie de l’intimider et de lui opposer le patriotisme ou la trahison». Rubina Möhring, directrice de Reporters sans frontières en Autriche, insiste sur le rôle des journalistes qui «doivent savoir qu’ils ne sont pas amenés à transporter des préjugés ou des idées préconçues». Ancienne journaliste à la radio et télévision autrichienne, elle assure qu’elle a choisi de s’installer au Moyen-Orient au début de sa carrière pour pouvoir comprendre ce qui se passe dans cette région. «Il faut une communication structurelle pour une compréhension mutuelle», note-t-elle. En ce sens, Malbrunot regrette qu’aujourd’hui, la couverture à l’étranger soit devenue le parent pauvre de l’information. «Les médias sont malades économiquement, affirme-t-il, on envoie des journalistes qu’en temps de crise, et souvent ce sont des jeunes journalistes qui ont des connaissances faibles de la région et manquent de références historiques. Parfois, ils ne font pas la différence entre sunnite et chiite, entre un salafiste et un djihadiste».

Comment les médias peuvent-ils aider la construction et la compréhension mutuelle? C’est la question posée dans ce débat autour du dialogue Euro-arabe. Mais le rôle de des médias est-il de rapprocher les peuples? Probablement pas. Le rôle premier des médias est de s’attacher aux faits. Des faits doivent être argumentés, et loin des idées préconçues. Ce qui nous amène à conclure que l’éducation et la culture restent les voies royales vers le dialogue.

 

Sarah Ben Hamadi

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