Tunisie : Nessma Tv coupable, mais pourquoi ?

 

Pas de mouvement de protestation contre Nessma quand elle enfreint la loi, celle lui interdisant la publicité politique depuis le 12 septembre dernier. Pas de contestation quand elle fait de la propagande pour des partis usant de proxénétisme politique. Les indignés contre Persepolis, sont-ils myopes?

 

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Après avoir retourné sa veste en s’excusant, Nebil Karoui a comparu, mercredi 12 octobre, devant le juge d’instruction pour s’expliquer sur des questions relatives à la polémique Persepolis. L’encre a coulé à flot sur les limites de la liberté d’expression, sur le contexte de diffusion du film ou encore sur le rapport liant l’art à la politique. Les mouvements d’indignation ont secoué les rues des villes tunisiennes du nord au sud. Or, il semble que cette frange des citoyens tunisiens est déboussolée, acharnée à chercher la bête alors qu’elle est ailleurs en train d’influencer le scrutin des élections de l’Assemblée Constituante.
Pas de mouvement de protestation contre Nessma quand elle enfreint la loi, celle lui interdisant de diffuser de la publicité politique depuis le 12 septembre dernier. Pas de contestation quand elle fait de la propagande pour des partis usant de proxénétisme politique. Mais la rage se déchaîne quand elle diffuse un long-métrage nous invitant à réfléchir et tirer des leçons d’autres expériences «révolutionnaires». De quoi avoir un indicateur sur le délabrement de la conscience civile et de la culture médiatique d’une frange non-négligeable des Tunisiens. Oui, Nessma est coupable. Mais pourquoi? Parce qu’elle enfreint une loi promulguée par l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE). A coup de débats, elle fait usage de son antenne pour décrédibiliser l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC), structure consultative ayant avisé le gouvernement et l’opinion publique sur les dangers de la publicité politique.

Et voilà que la coalition associative ayant pris la responsabilité d’observer les élections a présenté, lundi 10 octobre, son deuxième rapport. Portant sur la période du 1er au 25 septembre, le document de l’opération «Monitoring média durant la transition démocratique en Tunisie» fait preuve de la propagande menée par Nessma en faveur de deux partis : Le Parti Démocrate Progressiste (PDP) et le Parti d’El Watan. La formation politique de Chebbi s’accapare, à elle seule, 19,22% du temps d’antenne des heures de grande audience de Nessma Tv. «Le monopole de l’espace médiatique commence à être transféré de l’appareil sécuritaire d’un pouvoir autoritaire à la main mise du capital» commentent les rédacteurs du rapport en question. Quant au parti fondé par Mohamed Jegham, ex-ministre de Ben Ali et ancien membre du RCD dissous, il jouit de la deuxième plus grande part du gâteau de la chaîne tv avec l’équivalent de 18,29%. Le PDP et El-Watan ont 37,51% des «prime time» de Nessma. Tous les autres 100 et quelques partis, le gouvernement et les candidats indépendants se partagent le pourcentage restant.

L’accouplement entre journalisme et communication ne peut enfanter que la propagande. Karoui&Karoui, Quinta Communication et Mediaset, trois entreprises actionnaires chez Nessma en savent quelque chose. De quoi nous inviter à prendre en compte la nature incestueuse du rapport entre communication et journalisme dans la tant attendue réforme du secteur de l’information.

Thameur Mekki

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