Tunisie: Mariage arrangé sur le web, c’est du cinéma!

Pour avoir un visa, une méthode est certifiée efficace. Il suffit de se connecter sur MSN et rencontrer un Européen à la recherche d’une épouse. «Mariage à trois visages» livre le mode d’emploi et dévoile les escrocs du net sur grand écran à Kélibia en Tunisie.

«On appelle ça un téléphone portable. C’est de la nouvelle technologie» dixit Zass à Sokoda. «Tech… quoi ?» réagit-elle. «Tech-no-lo-gie» réponds le photographe burkinabé à sa compatriote villageoise. Il s’agit d’un extrait d’une conversation entre les deux personnages principaux de «Mariage à trois visages», un film amateur du réalisateur martiniquais Pierre Laba. «C’est un jeu de mots. Normalement, l’intitulé du film est mariage à trois visas» explique le réalisateur. Ce long-métrage de fiction a été présenté, samedi 10 juillet, en première mondiale à l’occasion de la soirée d’ouverture du Festival International du Film Amateur de Kélibia (FIFAK).

Film anti-cybercriminalité

Les événements du film se déroulent en grande partie dans un village reculé de la commune de Bobo-Dioulasso au Burkina Fasso. Il raconte l’histoire de Zass, photographe ambulant, voulant à tout prix partir en France. Son ami Streev, expatrié dans l’Hexagone lui donne l’idée d’usurper l’identité de sa cousine Sokoda sur le net, pour pouvoir obtenir un visa. Leur plan consiste à trouver un mari français à la jeune fille. Et c’est fait. Le français est trouvé. Et il a fait le voyage jusqu’au Burkina pour se marier. Mais Sokoda est une villageoise illettrée et en rupture totale avec le monde extérieur. Elle multiplie les maladresses et met en péril le succès du plan. Zass fait tout ce qu’il peut pour arriver à son objectif: obtenir son précieux visa.

«J’ai fait ce film pour dénoncer toutes les cybercriminalités» déclare le réalisateur Pierre Laba. Et il précise: «certains Ivoiriens arnaquent les gens sur internet et arrangent des mariages forcés et des mariages blancs via le net». Pierre Laba, également auteur du film, a usé d’humour pour atteindre son objectif dans cette comédie excessivement hilarante.

Entre séries-télé et images souillées

Lors d’une rencontre avec ce réalisateur tenu, dimanche 11 juillet toujours dans le cadre du FIFAK, certains journalistes, jeunes cinéastes amateurs et cinéphiles se sont insurgés contre le film. Leurs motifs? Le réalisateur a filmé ce long-métrage à la manière des séries télévisées, et bien loin de la veine cinématographique. Mais il a aussi dressé une image très négative des Africains, les Burkinabais en l’occurrence. Naïfs, illettrés et surtout opportunistes, ainsi se présentent les villageois burkinabais dans «Mariage à trois visages». «Je ne fais que retracer ce que je vois. Et c’est tout» rétorque Pierre Laba. Concernant son approche filmique, le réalisateur ne cache pas qu’il a été inspiré par les feuilletons-télé humoristiques. Il s’est référé, en quelque sorte, à des séries-télé ivoiriennes et burkinabaises tel que «Ma famille» et «Boubou Diouf». D’ailleurs, c’est sur le petit écran qu’il a sélectionné les comédiens de «Mariage à trois visages».

Débrouillardise made in Africa

Le casting de ce film a réuni des acteurs de trois pays différents. Pierre Laba nous en parle: «Mon film est une réconciliation culturelle entre la Côte d’Ivoire, la France et le Burkina Faso». Le tournage du film a duré trois mois, de févier jusqu’en avril 2010. Selon le réalisateur, «Mariage à trois visages» a coûté 76 000 euros. Pourtant, il a rencontré des difficultés matérielles qu’il a contournées à sa manière. En fait, Pierre Laba a construit sa propre grue à caméra. «Le matériel coûte extrêmement cher. Et je n’ai pas les moyens de me procurer une grue. Alors, j’en ai fabriqué une» dixit le réalisateur. «C’est une grue qui fait en même temps la fonction des rails. Je l’ai faite manuellement avec de l’acier, des trépieds et autres. J’ai même utilisé des appareils de body building et des roulettes pour assurer la mobilité» raconte Pierre Laba.

 

«Mariage à trois visages» a été présenté durant la soirée d’ouverture du Festival International du Film Amateur de Kélibia (FIFAK). L’événement incontournable du cinéma amateur en Tunisie continue jusqu’au samedi 17 juillet. Projections de films des quatre continents, rencontres avec des cinéastes et débats ouverts au public sont au programme quotidiennement. La côte du Cap-Bon bercera le cinéma amateur mondial jusqu’à la fin de cette semaine.

Thameur Mekki

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