(Cyber)Jihad : halal ou pas… ?

Des oulémas marocains appellent à la résistance cybernétique. Mais des cheikhs saoudiens prônent la e-tolerance. L’Occident parle de « terrorisme virtuel », alors que des caricatures du Prophète sont écoulées sur le Net.

Un site internet danois mettant en vente des caricatures du Prophète a été piraté. Des hackers ont bloqué la version internationale du site, a rapporté une dépêche de l’AFP, le 20 avril. Aux dernières nouvelles, il ne s’agirait pas de hackers conventionnels, mais de « cyber-jihadistes ». Laissant tomber les armes et la poudre pour s’équiper uniquement d’un clavier d’ordinateur. Ils sont des milliers dans le monde à mener le “Jihad électronique”. Une tendance qui a le mérite de faire couler de l’encre plutôt que le sang d’innocents.


En réponse aux offensives israéliennes contre Gaza, des oulémas marocains ont ainsi encouragé, au début de l’année 2009 tous ceux qui possèdent des connaissances en informatique à rejoindre les rangs de la résistance… électronique. Pour porter la « guerre sainte » sur le front du Net et la mener contre des sites israéliens. Ainsi, des « snipers », comme on surnomme les hackers au Maroc, ont réussi à attaquer plusieurs sites israéliens, dont quelques-uns stratégiques. En 2008, plus de 400 sites israéliens ont ainsi été « défacés ».

E-tolérance saoudienne

Paradoxalement, des pays comme l’Arabie Saoudite, se sont mis récemment à prôner la « e-tolérance ». A l’exemple de Cheikh Salah Fawzan, membre du haut comité des Oulémas ainsi que du comité permanent d’Al-Ifta, qui a déclaré, lors d’une conférence donnée à Ryadh , le 16 avril, que « le Jihad électronique contre les sites juifs n’est pas autorisé, et ne sert en rien les Musulmans ». Le cheikh va même plus loin : « ce que font certains Musulmans en matière de piratage de certains sites électroniques juifs, leur destruction électronique et la détérioration de leur contenu, ce qui provoque des dommages matériels à leurs propriétaires, ne portent pas préjudice à ces derniers, dans la mesure où ils disposent de la capacité et des outils nécessaires pour corriger les failles, et s’en prennent, par la suite, encore plus aux Musulmans ».

De nombreux forums, et des médias arabes ont du reste largement évoqué les cyber-attaques menées par des Musulmans. D’ailleurs, au mois de Septembre, le site internet du Vatican a été victime d’une offensive de la part de pirates. Ce sont les propos qu’avait tenus le Pape Benoît XVI, lui-même, que d’aucuns ont jugé diffamant qui sont en ligne de mire.

Nouveau type de terrorisme ?

Les pays occidentaux eux, prennent ces nouvelles menaces très au sérieux. Ils tentent tant bien que mal de se prémunir contre ce qu’ils considèrent comme étant « un nouveau type de terrorisme ».C’est ainsi qu’un symposium international sur le terrorisme et la sécurité informatique, a eu lieu, le 16 avril, en Espagne. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Terry Davies, a souligné que « Internet est devenu un “outil clé” et une “arme” à part entière pour une nouvelle génération de terroristes. » Dès lors, « Internet peut être utilisé comme une nouvelle arme non-conventionnelle mise au point part une nouvelle génération d’activistes spécialistes en informatique ».

Jihad électronique ?

Et pour cause. Ces dernières années, des sites spécialisés dans l’organisation et la coordination de cyber campagnes offensives visant des sites web israéliens, américains, et danois, sont apparus. On comprendra aisément la raison de la présence des sites scandinaves sur la liste…

Cependant, pour M. Thomas Hegghammer, expert au sein de l’Institut norvégien de recherches et de la défense, « il ne faut pas exagérer le danger que constitue le jihad électronique. » Il précise: « Ce n’est pas parce qu’ils sont jihadistes qu’ils sont plus dangereux que les pirates professionnels d’Europe de l’Est : en définitive, tout dépend de leur expertise technique, et il n’y a rien dans leur idéologie qui les rende plus compétents en la matière que qui que ce soit d’autre ». M. Hegghammer précise : « Provoquer la fermeture d’un site web n’est pas difficile. Pour l’instant, il n’y a pas d’exemple de cyberattaque qui ait provoqué des dommages physiques ».

Samy Ben Naceur

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