Algérie-Egypte : Trafic d’opium médiatique

«Heureusement que ces deux pays n’ont pas de frontières communes », relève Abdelmajid Chetali. Pour Tarek Dhiab, «le match prend des allures de guerre». Dans le monde arabe, le sport roi est aussi médiatisé qu’instrumentalisé.

«Ce match dépasse déjà le cadre sportif, il est en train de prendre des allures de guerre» dixit Tarek Dhiab, dans une interview accordée au journal en ligne algérien le Buteur, s’exprimant sur le match de foot comptant pour les éliminatoires de la coupe du monde de foot 2010. Prévu pour le 14 novembre entre l’Algérie et l’Egypte, personne n’aurait imaginé que cette rencontre très attendue allait dégénérer à ce point…

Les prévisions de l’ancien joueur, qui a mena l’Equipe Nationale de Tunisie au mondial 78 en Argentine, se sont avérées exactes. A peine une semaine après cet entretien, voilà que le bus de l’équipe algérienne a été accueilli à coups de jets de pierres et de briques sur les routes d’Egypte. La foule de supporters égyptiens s’est déchainée. Au final, trois joueurs algériens ont été blessés : Rafik Saïfi légèrement touché à la main et Rafik Halliche et Khalid Lemmouchia à la tête. Suite à ce malheureux événement, la délégation algérienne à même annoncé, sur le site du quotidien national algérien Echourouk, qu’elle envisageait le retour de son équipe au pays.


Les mots de Chetali

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la FIFA déclare avoir « réitéré auprès de la Fédération égyptienne la demande que toutes les mesures de sécurité soient prises pour que ce match puisse avoir lieu». L’organisation faitière du foot mondial affirme également avoir «reçu le rapport des délégués de la FIFA sur place» et «est train d’étudier tous les éléments». Un groupe intitulé «Pour que la FIFA sanctionne sévèrement l’Egypte» a même été créé pour l’occasion sur Facebook.

« Heureusement que ces deux pays n’ont pas de frontières communes », relèvera même Abdelmajid Chetali, l’entraineur tunisien, le premier dans le monde «à avoir mené une équipe africaine à la victoire dans une phase finale», rappelle le quotidien français l’Equipe. Le chanteur emblématique «roi du raï», Khaled, et le chanteur égyptien Mohammed Mounir ont beau donné de la voix dans un concert commun, jeudi soir, devant près de 45.000 personnes. Ils ne réussiront pas à adoucir les mœurs.

Rappelons que ce conflit footballistique algéro-egyptien ne date pas d’aujourd’hui. Le premier épisode date du match du 16 novembre 1989, au Caire, opposant les deux équipes. Un autre scandale s’est déroulé en Algérie, suite à un match de coupe arabe, ou l’entraineur égyptien, contrarié par l’arbitrage, s’était adonné à un spectacle pas très catholique, devant les caméras et le public algérien. Depuis, la guerre fait rage entre les supporters des deux sélections nationales. Et certains médias égyptiens aux tendances xénophobes affichées sans vergogne jettent de l’huile sur le feu. Avec leur armada de chaînes satellitaires, pas étonnant que les Pharaons marquent des points dans cette bataille médiatique.

Propagande dans le Cyberspace

A l’exemple du commentateur Amr Adib qui a déjà tenu des propos xénophobes à l’égard des Algériens et des… Tunisiens. Mais voici que les Maghrébins choisissent de jouer sur un autre terrain. Celui du World Wide Web. La cyberguerre est déclarée. Le forum tunisien Tunitech rapportera même que le site de la Fédération Egyptienne de football a été hacké.

Et Youtube, la célèbre plateforme d’échanges de vidéos s’avère être le terrain parfait pour les internautes algériens qui ne cessent de rivaliser d’ingéniosité pour ridiculiser les Egyptiens. Et tout le monde y prend pour son grade : en passant par des images du sélectionneur Shehata endossant le rôle d’une mariée, au côté de son confrère algérien Rabah Saâdane, jusqu’à la diffusion de montages vidéos mettant en scène Mel Gibson dans le film Bravehart. Voici que le héro, William Wallace, encourage ses troupes pour aller au combat. Mais dans cette version algérienne, bien loin des Highlands écossaises, les ennemis ne sont pas les Anglais mais bel et bien les Pharaons. Et Wallace s’exprimera en arabe, avec l’accent algérois ! Les Egyptiens ont également riposté, par l’intermédiaire de vidéo relatant les exploits de leur équipe nationale. Notamment lors des matchs de 1989 et de 2001. Bien que les hackers algériens peuvent compter sur leur rap on ne peut plus expressif, pour ne pas dire très virulent (Torino,Milano…).

A la veille du match Tunisie-Mozambique, prévu également pour le 14 Novembre, même le journal sportif l’Equipe, souligne dans un article, qu’on assiste à une véritable vampirisation de l’espace médiatique par le choc algéro-egyptien. Il ne s’agit pourtant «que» de foot déclarent les «Sages», dans une vaine tentative d’apaiser les esprits. C’est oublier que le sport roi, dans le monde arabe, constitue l’opium du peuple. C’est un spectacle défouloir, aussi médiatisé, que trafiqué… instrumentalisé. Les supporters des uns et des autres réclament leur petite dose de victoire par procuration, pour oublier leur frustration.

Samy Ben Naceur

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