Un an après son installation en Tunisie, Reporters Sans Frontière s’inquiète pour la liberté de l’information

 

Le 12 octobre, Reporters sans frontières soufflera sa première bougie en Tunisie. Une occasion pour dresser un bilan de sa première année d’activité, et faire le point sur la situation de la liberté de la presse et de l’information aujourd’hui en Tunisie.

rsf-041012Une rencontre avec la presse a été organisée par Reporters sans frontières jeudi 6 octobre à Tunis sous le thème « Quel avenir pour la liberté d’information en Tunisie». « La liberté d’information c’est le mandat de RSF » soutient d’emblée Christophe Deloire, directeur général de l’organisation. «Ce n’est pas une liberté corporatiste, et ce n’est pas uniquement la liberté des journalistes, car c’est la base de toutes les autres libertés. » précise-t-il.

Bannie sous Ben Ali, RSF estime avoir une légitimité historique «Nous avons toujours tenu un discours de vérité sur la Tunisie. L’histoire nous donne une légitimité aujourd’hui. ». Au bout d’un an d’activité en Tunisie, l’ONG dresse un premier constat : « Il y a ouverture incomparable à l’avant 14 janvier 2011, mais nous sommes inquiets. » déclare M. Deloire en rappelant certaines réactions jugeant excessif le slogan de RSF au moment de l’ouverture de son bureau à Tunis « Libres, jusqu’à quand ? ». « Malheureusement, je crains que le quotidien de la presse aujourd’hui en Tunisie montre que notre slogan n’était pas excessif. »

Selon RSF, la situation de la liberté de la presse en Tunisie est « préoccupante ». L’organisation évoque l’insécurité juridique avec une « absence de volonté politique flagrante de non adaptation des décrets 115 et 116 » mais également physique. « Depuis un an, il y a eu 130 atteintes à la liberté de la presse en Tunisie dont 84 agressions » assure Olivia Gré, Directrice de RSF Tunisie. « Aucune exaction n’a été sanctionnée » déplore-t-elle. Autre menace sur le secteur, l’indépendance des médias par rapport à l’exécutif, l’exemple des nominations du gouvernement des directeurs des médias publics est le plus flagrant. « Il y a une ressemblance avec l’Egypte sur cette question » affirme Soazig Dollet, responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient de RSF. « Il y a une volonté nette des nouveaux dirigeants de s’accaparer les médias. » conforte-t-elle.

De son côté, M. Deloire avoue sa crainte de voir « le pluralisme entaché » et insiste sur « l’importance de dépasser l’ensemble des clivages » dans la défense de la liberté d’information. «Sous Ben Ali, nous avons défendu tous les journalistes, au-delà de leurs orientations politiques » et de rappeler « Nous avons défendu les journalistes d’Ennahdha sous l’ancien régime. Nous continuerons à défendre les journalistes maintenant qu’Ennahdha est au pouvoir ». Il raconte au passage sa visite de la veille à Rached Ghannouchi au bureau d’Ennahdha : « Nous avons eu beaucoup de déclarations de bonnes intentions mais nous jugeons sur des actes. La démocratie c’est la règle du droit », maintient Christophe Deloire.

Interrogé sur la liste noire des journalistes que Lotfi Zitoun, conseiller auprès du Premier ministre, n’a cessé de menacer de la dévoiler, le directeur général de RSF fait savoir son désaccord avec une telle procédure qu’il qualifie d’ «extrêmement dangereuse ». « Publier une liste noire ou menacer de la publier, c’est une manière d’intimidation ». déclare-t-il avant d’ajouter « C’est un procédé à usage politique, et même si l’intention était louable, l’effet c’est d’exercer une pression sur les journalistes ». M. Deloire estime que la solution pour sanctionner les anciens journalistes corrompus c’est d’entamer des poursuites judiciaires.

Rappelons que le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a décidé d’appeler les journalistes à observer une grève générale dans l’ensemble des établissements médiatiques, durant la journée du mercredi, 17 octobre prochain. Selon la motion générale du SNJT, cette décision a été prise après «épuisement de tous les voies de dialogue avec le gouvernement».

 

S.B.H

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