Tunisie : Attentat verbal à la télé

Extraite d’une émission de Hannibal TV, une vidéo de Dali Nahdi fait mousser le web tunisien. Un monologue déjanté a eu l’effet d’un attentat verbal. Le consensus mou vole en éclat sur Facebook.

Acteur et réalisateur, Dali Nahdi était l’invité de l’émission «Hadha Ana» animé par Samir El Wefi sur Hannibal TV dans son numéro du mercredi 03 juin 2009. Durant ce talk show hebdomadaire, un incident survenu sur le plateau s’est exporté du petit écran et s’est vu défiler sur les pages de facebook. Evoquant son court métrage «Le Projet», Dali se glisse dans la peau d’un personnage, assez Hard Core, s’épargne toute autocensure et vire vers un discours «grossier»… inhabituel pour les télés tunisiennes. Dali Nahdi raconte une anecdote qui lui a permis de repérer le personnage principale de son film. A Bab Laqwess, quartier populaire tunisois, le rencontre a eu lieu avec ce jeune qui a interpelé le réalisateur avec «sa personnalité qui ressemblait énormément à celle du personnage principal du film». Dali Nahdi, parti en flash back s’est mis dans la peau du personnage et s’est emporté dans une reproduction de l’anecdote en interprétant le rôle de cet acteur dans la vraie vie avec l’attitude de ce dernier… avec le vocabulaire qui va avec. Les beeps sonores se succèdent afin de couvrir les mots grossiers prononcés par Dali. « L’animateur et les comparses étaient choqués, ils ne s’attendaient pas du tout à ça. N’empêche que les compares servant de public dans le plateau de l’émission ont applaudi. Et il y en a même qui sont venus me féliciter pour ma spontanéité et pour avoir partagé l’anecdote avec cette crédibilité» raconte Dali. Samir El Wefi, l’animateur, réagit sous le choc : «Mais ce n’est pas Khali9aTv ici, c’est hannibal TV» (voir notre article sur Khali9aTV


ici
).

Quant à Dali Nahdi, il se retourne vers le public, applaudissant fort la performance, s’excuse, et précise aux présents : «C’est le personnage» et de répondre à l’animateur : «Met des beeps avant de diffuser l’émission !».

Adhésion et controverse

«Elle a crée une polémique, les gens se posent des questions au sujet des limites de la liberté d’expression. C’est bien qu’on mette le doigt sur de telles questions ce qui implique un débat autour des limites verbales surtout quand il s’agit d’opinions variés nous permettant de partager les avis comme dans ce cas» nous confie Dali en alternant : « J’ai toujours tenu à dire que je préfère déranger plutôt que plaire. Je ne suis pas là pour faire le beau ou jouer à la star. » Aussitôt, un débat a été ouvert et les commentaires pleuvaient lors de chaque publication de la vidéo par un des facebookers tunisiens. Depuis le jour qui a suivi l’émission, un brouhaha opposant les partisans d’une télé dans sa notion de média porteur d’un rôle éducatif où l’aspect morale est sacré aux partisans d’«une télé miroir de la société». «En France, des comédiens comme Jamel Debbouze sont payés pour faire de la provocation sur les plateaux de télés. Alors que ce qui m’est arrivé était spontané» souligne Dali Nahdi. Et d’ailleurs, même dans son film dont l’univers baigne dans une agressivité urbaine, verbale et physique, il a fait recours aux beeps préservant les oreilles sensibles de la vulgarité des propos.

« Hypocrisie » audiovisuelle

«On va se rappeler que tu étais le premier à parler de la rue dans la propre langue de la rue sur une chaine de télé en Tunisie» commente un facebooker à l’adresse de Dali Nahdi. « Une société qui ne veut pas se voir dans son propre miroir» Interprète un autre intervenant.

«Pour moi un artiste doit être “vrai” égal à lui même !! Et c’est tout, ce n’est pas une question de vulgaire ou pas » explique un autre facebooker, qui souligne que la majorité des Tunisiens utilisent des mots grossier ». La controverse autour de cet incident ? Une «hypocrisie». Un autre intervenant commente la vidéo extraite de l’émission «Hadha Ana» : «Ce type de comportement permet à la société de se remettre en question, et la fonction de l’art et notamment le cinéma est de refléter une partie du quotidien qu’on ne cesse de cacher. Nahdi la fait parce qu’il le sait. Marre de l’hypocrisie, tout le monde emploie des gros mots, du flic à la ménagère et cela depuis longtemps. C’est à nous de chercher les causes pour trouver des solutions.»

La vocation éducative de la télé, devrait-elle se limiter à la suppression de tels passages ? Ou au contraire les diffuser pour débattre d’un phénomène de société et (éventuellement) proposer les moyens d’y remédier ? Mais (du moins théoriquement) les médias n’ont-ils pas et avant tout le devoir impératif d’informer ? La réplique de Dali aux meneurs de la controverse ? «Je préfère que tu mette un beeeeeep, comme réponse » !

Thameur Mekki

Print Friendly, PDF & Email

Plus :  Medias



  • Envoyer